5 ans après avoir lu l’Assommoir que j’avais beaucoup aimé mais que j’avais peiné à finir, voir l’adaptation de Germinal de Claude Berri avec Renaud dans le rôle principal m’a motivé à me replonger de nouveau dans les classiques que je ne lisais naguère si peu depuis que j’avais quitté le lycée. Le film m’avait tout d’abord ému par ses images de révolte, d’injonction au capital, d’amour impossible qui se traduisaient par une grande violence le plus souvent, mais aussi d’un sentiment de pitié. Un sentiment de pitié oui pour ces petites gens qui depuis 3 générations descendaient à la mine malgré les dégâts que celle-ci provoquait dans leur chair qui devenait de plus en plus brune, ou encore dans leurs poumons à l’image du père Bonnemort qui crachait incessamment du charbon.
Las de cette servitude face au capital, las de se donner autant de peine face au Voreux si ce n’est pour manquer de pain tout le long du mois… Un vent de révolte gronde dans le coron des Deux-Cent-Quarante, cette révolte est initiée et motivée par le jeune Etienne Lantier, fils de Gervaise (l’Assommoir), arrivé à Montsou il y a quelques mois après s’être fait congédié des chemins de fers pour avoir giflé son patron, il se mue alors en révolutionnaire suite à une nouvelle tarification du boisage décidée par la Compagnie qui est tout bonnement une réduction de salaire déguisée.
Cette révolte se traduit alors par une grève qui est marquée par le manque de nourriture constant, le sang, la surpuissance de la Compagnie malgré ses millions de francs perdus…
Car à la fin se sont toujours les mêmes qui gagnent oui, les bourgeois, les capitalistes, les rentiers, les biens-nés, les héritiers qui ne peuvent alors pas comprendre cette révolte du petit peuple, oui trop habitués eux à nourrir et voir grandir grassement leurs enfants, s’occuper de leurs affaires, se pavaner, s’enfouir dans l’oisiveté et parfois faire de la charité pour se donner bonne conscience…
Ce roman, si je n’ose dire ce grand roman, cette œuvre majeure qui illustre le récit d’une époque, d’une région, d’une profession, des prolétaires, des « sans dents », des « incultes » est un magnifique réquisitoire, un formidable « J’accuse » qui clame haut et fort le besoin imminent de justice face aux inégalités, face à la division du monde en deux classes aux caractéristiques bien différentes : les bourgeois et les prolétaires. Les premiers sont les exploitants, les dominants, les seconds les exploités, les dominés, les premiers asservissent les seconds, tandis que les seconds servent les premiers, les prolétaires sont exploités par les bourgeois dans un tourbillon continu pour assurer leur surpuissance, leur suprématie infinie, leur règne incessant face aux prolétaires eux-mêmes qui seront toujours à leur botte.
Un grand roman qui n’a pas à rougir face à tous les ouvrages théoriques qui tentent d’expliquer la division de notre monde en ces deux classes, les inégalités quotidiennes entre salariés et patrons, la répartition des richesses. Ici au-delà de la théorie et des chiffres Zola tente avec brio de nous glisser dans le coron des Deux-Cent-Quarante, dans la vie de ces familles qui s’épuisent, qui se lèvent aux aurores pour travailler sous terre afin de ramener 30 sous par tête pour essayer vainement de nourrir sa fratrie. Au-delà de la théorie et des chiffres donc c’est l’humain qui souffre que tente de nous décrire Zola, l’humain qui est comme cadenassé par sa lignée familiale, par son hérédité qui ici même à Montsou se traduit par une descente à la mine de génération en génération.
Passionnés de sciences sociales, d’histoire dévorez ce livre, vous allez l’adorer, le chérir, il est si percutant.