Pour Grande couronne, ce nouveau roman d'apprentissage, autour d'une jeune adolescente d'une banlieue pavillonnaire, à la fin des années 90, chaque lecteur aura des références littéraires qui viendront à son esprit, comme par exemple D'acier de Silvia Avallone, sauf que le roman de l'italienne est un chef d’œuvre et que celui de Salomé Kiner n'est qu'un bon livre, ce qui n'est déjà pas si mal. Grâce à son écriture agile et à un humour dévastateur, Grande couronne fait presque tout passer y compris des passages assez sordides puisque son héroïne délaisse parfois l'école pour un travail à temps partiel d'ouvrière du sexe, uniquement oral et manuel, certes, mais c'est tout de même de la prostitution de mineure. Salomé Kiner décrit ces scènes là (un peu trop nombreuses) à la fois avec crudité mais aussi avec une sorte de désinvolture car c'est pour la "bonne cause", à savoir pour s'acheter des produits de marque pour ne pas paraître ringarde auprès de ses copines. Il est vrai que la narratrice, dont le nom de guerre est Tennessy, n'est pas aidée par le délitement de sa famille et notamment la dépression sévère de sa mère qui ne voit rien de la vie de sa fille. Cette adolescente, fleur de banlieue, a heureusement, à sa manière, la tête sur les épaules et la volonté de s'en sortir, malgré des périodes d'abattement régulières. C'est son énergie et sa lucidité qui nous laissent entrevoir des lendemains moins glauques, peut-être. Quant à Salomé Kiner, on attendra ses futurs ouvrages pour savoir s'il faut compter sur elle dans le paysage littéraire. Mais sa plume véloce et déliée aurait tendance à rendre optimiste.