L'histoire avec des milliers de petits "h".
Oeuvre magistrale, monumentale. Après la critique de Moby Dick, le roman encyclopédie, on s'attaque cette fois au roman historique dans son sens le plus pur.
D'un côté il y a le roman. On suit la vie d'une dizaine de personnages issus la noblesse entre 1805 et 1812. La vie des capitales entre diner public et romance cachée, au travers de trois familles, les Rostov, les Bolkonsky et les Kouraguine et d'un jeune homme - millionnaire débonnaire et orphelin - Pierre. On voit grandir les enfants, on voit naitre et mûrir les premières amours, on assiste à l'entrée en guerre avec la France, aux mobilisations des premières armées pour défendre la Sainte Russie.
Et c'est de là que nait la seconde partie de l'oeuvre, l'Histoire avec un grand H et ses milliers de petits h. Plaidoyer pour le génie militaire de Koutouzov - vieux généralissime des armées - et contre le - soi-disant - génie militaire de Napoléon. Seul contre les Historiens de l'époque Tolstoï lutte contre l'hégémonie du général et rend à chaque soldat sa place dans des batailles aussi épiques qu'Austerlitz et Borodino, nous présentant avec un certain mépris les immenses conseils de guerre.
Et puis, il y a la "fin", 1812, l'incendie de Moscou, le temps de l'Antichrist, de la famine et de la ruine. Le temps de la fuite, de l'errance et de la folie pour la noblesse russe.
Le style est brillant, le roman s'accroche à chaque personnage comme s'il était le seul, et saute des uns aux autres avec une technique impressionnante. Rarement on a pu croiser autant de personnages, autant d'éléments historiques ou romanesques mêlés sans jamais se perdre, sans lâcher le fil de l'histoire et même, à l'inverse, on y croit jusqu'au bout, on se passionne pour ces destins qui s'entremêlent jusqu'à la dernière page.