J’ai donc fini de lire la « biographie », mais en vérité on pourrait plus parler d’un essai, que Houellebecq a consacré au « maître de Providence », à celui qui tout autant que son contemporain et ami Robert E. Howard, a révolutionné la littérature fantastique (bien plus que Tolkien, qui l’a seulement vulgarisée.)

Evidemment, les connaisseurs et voyageurs des rivages oubliés de Celephais aux temples de turquoise, ceux qui ont vu apparaître les voiles du Navire Blanc, ceux qui savent que, dans les collines hallucinés, se cachent des horreurs indicibles, les être minuscules et terrifiés par les constructions cyclopéennes qui naissent de l’imagination, les lecteurs fascinés de ses œuvres auront reconnu Howard Philips Lovecraft.

Je parle donc ici de H.P. Lovecraft. Contre le monde, contre la vie

Comprenez-moi bien : je n’aime pas Houellebecq. Enfin je n’avais jamais rien lu de lui avant, mais l’individu en lui-même me débecte profondément. Mais quand j’ai vu cet essai sur HPL, je n’ai pu résister et l’ai acheté, avant de le poser sur un meuble en attendant, mais réservant mon esprit à d’autres directions.

Et un jour, alors qu’un train me ramenait dans la civilisation (c'est-à-dire la Bourgogne), j’ai dévoré cet ouvrage.

Et je découvris un récit fascinant, une description de HPL par un individu qui l’a, à mon avis, compris totalement, qui en fait un panégyrique absolu, un hommage d’un homme reconnu pour ses talents littéraires de son vivant à un homme qui ne fut reconnu qu’après sa mort.

On sent dans le texte de Houellebecq une véritable admiration. Non, mieux qu’une admiration : un culte, une fascination, une passion pour Lovecraft et ses récits, pour tout ce que cet homme abject avec le monde mais d’une grande douceur avec ses amis peut apporter.

Peu de personnes connaissent Lovecraft, et pourtant il est l’un des grands piliers de la littérature fantastique. Pourquoi ? Houellebecq va l’expliquer en teinte de son exposé.

En décrivant la force des récits de HPL, il va a contrario, montrer pourquoi il a peu de lecteurs, et pourquoi ses admirateurs sont souvent fanatisés et fascinés par ce qu’ils ont lu.

Ainsi, Lovecraft commence toujours ses récits abruptement, ce qui rebute les lecteurs habitués à ce qu’un récit fantastique bascule petit à petit dans l’irréel. En général, on commence, même lors d’un récit de fantasy, par une situation banale, quotidienne (si si, souvenez-vous de Harry Potter, type même des stéréotypes du genre). Et cette situation est bouleversée par l’irruption de l’intrigue.

Chez HPL, c’est l’inverse : on entre directement dans l’irréel : « Je ne sais si ce que j’ai vu est vrai, mais je sais que je ne suis pas fou. » « Il est vrai que j’ai tiré six balles dans la tête de mon meilleur ami, mais je ne suis pas un assassin.»

J’écris ici de mémoire les débuts de certaines nouvelles, afin que l’on comprenne que débuter un récit de Lovecraft, ce n’est pas glisser doucement dans un bain d’étrangeté, mais c’est recevoir une énorme douche, froide ou chaude…

De même, ses descriptions, longues, cliniques, basées sur le ressenti, les odeurs, les sons. On est loin des phrases courtes et ciselées d’un King, par exemple. Mais là ou King, que j’appréciais autrefois, amène une horreur immédiate, Lovecraft va créer une terreur diffuse. Comme le dit Houellebecq : un lecteur de Lovecraft ne peut regarder un batracien sans avoir des idées bizarres. Sus aux crapauds, mes amis !!!!

Et oui, Lovecraft est raciste. On ne peut pas franchement le nier. Un vrai raciste à coté de qui le pire skinhead passe pour un être ouvert et modéré. Mais comme le montre l’auteur, il est raciste non pas en raison de sa haine de l’étranger (comme peut l’être Céline), mais en raison de sa peur, de sa peur viscérale de l’Autre, quel qu’il soit.

Évidemment, lire cet ouvrage de Houellbecq sans avoir lu au moins les nouvelles fondatrices de Lovecraft est un peu une perte de temps. Je vous mets donc ici le nom de ces nouvelles : La couleur tombée du ciel, Le cauchemar d’Innsmouth, Dans l’abîme du Temps, l’Appel de Cthulhu et Les Montagnes Hallucinées.

Mais j'avoue preferer certaines autres de ses nouvelles, comme Le Modèle de Pickman, qui m'avait donné des sueurs froides lors de ma première lecture quand j'avais 15 ans, ou Le Tertre, produit d'une réécriture pour un autre auteur mais entièrement de la main de HPL.

Et, comme j'avais mentionné Robert E. Howard, l'autre fondateur de la fantasy moderne, je ne peux ne pas citer sa nouvelle "Le Monolithe Noir", qui est un véritable bijou de sombre merveilleux et de terreur subtile.
krieghund1974
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le 9 juin 2013

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