Lorsque sa sœur jumelle tombe malade ce jour de 1596, Hamnet, onze ans, cherche désespérément du secours. Sa mère Agnes est partie cueillir des herbes médicinales dans la campagne qui avoisine leur petite ville de Stratford, et son père, comme toujours, est à Londres pour son travail. Tous ignorent encore que la peste bubonique vient de décimer l’équipage d’un navire fraîchement arrivé dans la capitale…
Cette famille a pour patronyme Shakespeare. Dans quatre ans, le père écrira Hamlet. Hamnet, Hamlet : Maggie O’Farrell s’inspire des spéculations qui établissent un lien entre la célèbre pièce de théâtre, et l’enfant mort à onze ans de ce qui aurait pu être la peste. Elle a imaginé son roman dans l’ombre du grand dramaturge, perçu ici sous l’angle du fils, du mari et du père, rôles qui occultent même jusqu’à la seule mention de son prénom. Ce sont donc les proches, ceux dont l’Histoire n’a rien retenu, qui occupent ici le premier plan, au travers de personnages fouillés et crédibles, en tête desquels Agnes.
Cette paysanne illettrée, que son caractère entier et instinctif, associé à ses talents de guérisseuse, marginalise aux yeux de sa belle-famille confortablement établie parmi les notables de sa ville, sentira peu à peu son époux lui échapper, happé par les mystérieuses activités londoniennes qui le tiennent éloigné de son foyer. La mort de son fils, vers laquelle convergent les trois premiers quarts du roman, au rythme d’allers et retours entre passé et présent qui renforcent la perception de la cruelle inéluctabilité du destin, ouvre une dernière partie entièrement consacrée au déchirement de la perte et à l’impossibilité du deuil, thèmes récurrents chez Maggie O’Farrell.
C’est avec intérêt et plaisir que l’on se laisse séduire par cette immersion historique, globalement crédible malgré l’impression donnée d’un cas de peste bizarrement isolé, dans une petite ville par ailleurs curieusement indifférente. Mais, au travers de cette histoire, librement imaginée à partir de quelques faits et personnages réels du XVIe siècle, ce sont finalement des thématiques très universelles et parfaitement contemporaines que Maggie O’Farrell explore avec émotion et poésie : l’amour, la séparation, et surtout, le deuil impossible d’un enfant.
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