Oeuvre mineure de Victor Hugo, Han d'Islande est largement tombé dans l'oubli, en témoigne le nombre infime d'appréciation sur ce livre. Âgé de 21 ans à la parution de ce livre, on sent que le jeune romancier n'a pas encore le style qui fera de lui le plus grand homme de lettre de la littérature française.
Du point de vue de l'écriture, il faut signaler que la thématique de ce roman est directement empruntée au maître du roman historique de l'époque : Walter Scott. Ainsi, on retrouve les éléments essentiels du roman gothique : châteaux en ruines, hommes monstrueux à la méchanceté sans borne, damoiselle en danger, et preux chevalier. La psychologie des personnages est très représentative de l'époque : personnage archétypaux (pour ne pas dire stéréotypés), quasiment infaillible et marqué par un seul trait de caractère très poussé : ils semblent ainsi taillés dans le marbre, comme si les évènements de l'histoire ne pouvaient les changer. L'histoire en elle-même, celle de la révolte des mineurs de Norvège dans un contexte d'intrigue politique, est assez intéressante (qui ne fait pas non plus s'accrocher au bord du bouquin).
Du côté du style, il faut signaler plusieurs choses. On reconnaît évidemment la syntaxe et la rhétorique qu'un lycéen virtuose pouvait avoir en ce temps-là. Malgré cette réussite formelle, certains poncifs du romantisme rendent le tout assez banal : les pensées sont retranscrites avec un certain lyrisme très convenu, les dialogues, s'ils ne sont pas réalistes, ne sont pas non plus étincelants. On reconnaît aussi le goût très prononcé de Victor Hugo pour l'oxymore, l'antithèse et le chiasme, voire le chiasme antithétique (!), qui donne parfois un rendu très boursouflé. Et puis, l'auteur tend à étirer ses paragraphes sans que cela ait grand intérêt.
L'intérêt de ce livre réside surtout en son aspect annonciateur de l'oeuvre à venir : on retrouvera bien sûr dans ses livres suivants ses oxymores et ses antithèses dans une forme bien plus aboutie et efficace, son lyrisme - narratif ou des dialogues - deviendra plus flamboyant et plus jouissif (comme dans Notre-Dame de Paris ou L'Homme qui rit), et surtout ses thématiques récurrentes : la révolte du peuple, la rédemption de l'individu, l'homme-monstre (Quasimodo, l'homme-qui-rit) et l'amour invincible. Heureusement, son style gagnera également en efficacité et en concision pour Le Dernier jour d'un condamné, oeuvre phare du Franc-Comtois.
Bref, ce livre, d'une lecture agréable, contient en germe ses autres romans et intéressera surtout les inconditionnels de Victor Hugo.