Lu seulement au tiers puis lâché pour cause de prépa, je regrette un peu de n'avoir pu en voir le bout. Je pense néanmoins avoir eu un bon aperçu du célèbre personnage, au-delà du cliché soigneusement cultivé par la culture populaire.
Car l'Histoire de ma vie est la seule véritable image dont nous disposons du grand Casanova. Les anecdotes de cabriole dans diligence sur jeune fille fraîchement mariée (délicat plaisir que de cocufier), les fusées anticléricales venues d'une époque où athéisme ne rimait pas avec inculture conformiste, et enfin l'élégante moquerie permanente des Lumières, conscientes du potentiel narquois sans pareil d'un discours mené par la raison : Casanova c'est tout ça.
Sous l'agréable français italianisé conférant au style casanovien la saveur unique et légère de l'amour adultère, le séducteur vieillissant ne prétend rien offrir d'autre que le plaisir cathartique d'une vie guidée par l'amour du jeu social et du cabotinage. Démon bienveillant, libérateur des femmes, hédoniste sincère, provocateur de scènes, voici Casanova : ennemi proclamé de la pesanteur, amant illégitime de la légèreté.
Qu'on ne se laisse donc pas refroidir par l'image faussée que le mauvais goût populaire (qui a toujours le dernier mot) a fini par associer au pauvre Italien : celui de voir son nom attribué au premier médiocre venu se vantant de ses "conquêtes" faciles en club auprès de ses amis. Il n'y a rien de Casanova dans cette image. Si cette image vous fait rêver, rebroussez votre chemin.
Pour les personnes de goût, plus sensibles au plaisir spirituel de séduire qu'à celui de conclure, que les femmes attirent autant par leur corps que par la perspective du rire complice que cause une situation cocasse, ces mémoires procureront le même plaisir que celui de la conversation, légère et profonde, de l'homme d'esprit d'humeur taquine, et je ne saurais que trop leur recommander la compagnie temporaire d'un homme qui a su porter la véritable joie incarnée.