François Bégaudeau a les défauts de ses qualités. Je l'apprécie autant qu'il m'irrite. La source de mes sentiments confus est simple:
L'EGO.
Bégaudeau s'aime beaucoup, c'est un fait. C'est appréciable lorsque François fait face a des bourgeois. Voir un fils de prolétaire renverser le stigmate, et renvoyer la morgue des bourgeois dans leurs sales faces, c'est jouissif. Le voir user d'un ton professoral envers des gens qui sont persuadés de représenter l'élite de la nation de par leur naissance, alors que de la France, ils mériteraient à peine de récurer les chiottes, c'est satisfaisant. Voir l'humiliation de tout ces aptères nommés Apathie, Barbier ou Salamé, qui apprécient humilier ce qui n'appartient pas au carcan de la culture bourgeoise légitime, c'est une friandise rare.
Mais, pour ce faire, il faut deux choses: une légitimité culturelle d'une part, et une confiance en soi frôlant le narcissisme de l'autre. Bégaudeau, c'est un fait, écrit bien et est un excellent rhéteur, ce qui lui donne le premier prérequis. François adore Bégaudeau et sait s'amuser de la médiocrité ambiante, ce qui lui donne le deuxième.
Mais, c'est là le problème: si j'apprécie le style, lorsque je lis, j'ai du mal à voir autre chose qu'un un jouisseur se moquant gentiment de ses semblables. Je ne suis pas sur que l'engagement personnel de Bégaudeau aille au delà de son petit plaisir personnel.
Je m'explique: Bégaudeau se représente lui même comme un Nieztschéen de gauche. Pour des raisons évidentes c'est une position oxymorique. Il est rigoureusement impossible de se revendiquer de Nieztche et de Marx en même temps. La volonté de puissance illimitée est antithétique avec le collectivisme, pour résumer.
Bégaudeau cumule deux péchés, pardonnables si pris séparément, mais mortel une fois réunis. Une approche essentiellement esthétique du combat politique, et un train de vie bourgeois. François, ce qui l’intéresse, ce n'est pas un cadre théorique robuste; il a mentionné à maintes reprises le fait que, ce qui le passionnait, c'était le corps. Raison pour laquelle il a commencé par le punk. Genre musical jouissif appréciable, apprécié ici, mais décidément trop limité sur le plan intellectuel (et, être intelligent n'est pas son but). Si faire des pogos, c'est bien, il faut aller au delà, et développer un cadre théorique sérieux pour prétendre devenir un intellectuel organique de gauche. Être un saltimbanque ne suffit pas.
Hors, la pensée de Bégaudeau ne m'a jamais marqué plus que ça. Pas assez travaillée et pourtant, l'homme est intelligent. Le deuxième problème, c'est que François, à son corps défendant, est devenu un bourgeois. Ses royalties lui offrent un train de vie bourgeois sans problèmes à la fin (ou au début) du mois. Ridiculiser la crème de la bourgeoisie parisienne, c'est bien: mais, quelle différence il y a t'il entre Eudes, héritier de la boite de papa, et François, artiste grassement rémunéré pour aller déclamer sa prose sur tous les plateaux es plus demandés? Pour être plus clair, Bégaudeau ne pourrait il pas faire le même livre sur François, cinquantenaire fringant profitant de tout ce que la culture parisienne a lui offrir, discutant gros sous avec son éditeur?
Il niera, mais un auteur doit tout de même se salir les mains pour arriver à un statut appréciable. On ne vend pas des palanquées de bouquins en restant pur; l’honnêteté serait de l'avouer. J'ai des doutes sur le fait que Bégaudeau ait les cojones de se regarder dans une glace.
Mais, doutes ne sont pas certitudes. La moyenne est atteinte.