Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut par RED-RUM
Dans ses Mémoires, Montesquieu parle en ces termes de Manon Lescaut: "Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l'héroïne une catin [...] plaise, parce que toutes les mauvaises actions du héros [...] ont pour motif l'amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse." Certes. Mais justement. Ce roman est trop plein d'amour. Amour pur. Amour fou. Amour libertin. Amour non partagé. A croire que Prévost n'avait que ce mot à la bouche. Le roman se veut libertin. Je ne suis pas convaincue. Manon n'est pas une libertine, elle ne pense qu'à s'enrichir, qu'à s'extirper de sa condition. Rien de libertin là dedans. Le libertinage c'est un état d'esprit. Ce n'est pas coucher pour monter l'échelle sociale. Bien sur, l'oeuvre est un petit bijou qui mêle des genres (tonalités de la tragédie classique, de la comédie d'intrigue chère au XVIII ème siècle et du roman de mœurs). Mais les personnages sont insupportables, faux. L'amour a rendu plus qu'aveugle le chevalier qui accepte le comportement "libertin" de Manon et l'excuse continuellement. Manon est belle, trop belle. Elle profite de cette beauté pour séduire et s'enrichir. Certes. Mais du jeu libertin, elle ne garde rien. Séduire n'est pour elle qu'un moyen de s'élever, et non un jeu. Mais ça c'est parce que Manon n'est pas une aristocrate. Elle regarde le monde avec des yeux d'enfant, tout ce qui brille la fascine et c'est cette fascination pour le luxe qui va mener le couple à sa fin tragique. Je vous passe la description de Tiberge qui est un des personnages romanesques les plus ennuyeux qu'il me fut donné de découvrir. Oeuvre décevante, pour moi. On m'avait donné envie de le lire en me parlant d'un roman libertin du XVIII ème siècle, je me retrouve avec une histoire d'amour où l'un pardonne tout, et où l'autre cherche à pousser, toujours un peu plus, les limites afin d'estomper la frontière entre sa vraie condition sociale et celle espérée. Insupportable.