Manon Lescaut est une de ces saloperies patrimoniales et canoniques en diable que tout le monde connaît de nom sans jamais l'avoir fréquenté de ligne. Dans cette daube de 1731, écrite par un abbé queutard et dissolu surtout préoccupé de la réduction de son interminable roman mondain et fantasmagorique à la noix, on suit les aventures de Des Grieux, un jeune noble qui se consume de passion dans la plus bouffie des stupidités pour Manon Lescaut, QUI EST BONNE BORDEL et instinctivement prête monnayer le fait. C'est tout.
Dans un principe d'enchâssement bien connu qui fait du roman une longue analepse, Béber Prévost nous fera voir toutes les trente ou quarante pages comment Manon décidera de tromper son cocu d'amant minable en allant se prostituer « naïvement » pour le premier connard qui passe, au besoin un père puis son fils – on reconnaît une indéniable influence Carla Bruni qui ne manquera pas de faire frémir la fibre des plus nostalgiques d'entre vous –, puisque la seule chose venant caractériser le personnage avant les vingt dernières pages se trouve être son incapacité à ne pas vivre dans le luxe. Au milieu de ces coucheries qui deviennent à plusieurs moments franchement sordides – comme lorsque le frère organise la prostitution de sa sœur avant de proposer à son beauf' de devenir lui-même gigolo – Béber nous propose les immanquables scènes qui constituent le fond romanesque coutumier de l'époque (bien que déjà un peu regardes en 1731), depuis le duel mortel-mais-pas-vraiment-à-l'aube en passant par de surréalistes évasions de prison et autres contraintes par corps de dettes amoureuses sur fond de lettres piégées.
Ce roman est une merde répétitive, grossière, profondément conne, insensée, stéréotypée à en crever qui se transforme sans transition dans ses dernières pages en une absurde moralité tellement sirupeuse qu'on en vient à s'en demander jusqu'à quel point exactement Béber se fout de nos gueules en écrivant ça.
Trop crado pour être l'oeuvre exemplaire qu'il fait mal semblant d'être, trop con pour porter un propos sur la société de l'argent qu'il représente sans aucune cohérence, trop sage pour choquer, trop verbeux dans ses monologues pour distraire mais trop aventureux et générique pour atteindre au cérébral ; cette brochure cumule à peu près tous les défauts qu'on est en droit d'exiger d'un roman.
Et Manon n'est écrite que comme une grosse traînée sans aucune importance narrative, en plus de polariser la critique sur elle alors que le héros est la pire des chiures d'insecte. Comment peut-on choisir cette chiasse pour la faire figurer au programme du bac, je me demande encore ce que branle le ministère quand ils nous pondent ces idées.
Un roman de presque-venture de cabinet.
C'est pas ces tchoin là qu'on préfère.