une histoire du chevalier des Grieux
L'intérêt principal du roman est son ambiguïté foncière, l'histoire et racontée par des Grieux. Or, il ne le cache qu'à peine, celui ci, sous ses dehors d'amoureux éperdu et naïf, est un escroc, tricheur, manipulateur et menteur chevronné. Du reste l'auteur prend manifestement ses distances avec lui, dès le début avec une mention très claire de l'homme de qualité selon laquelle le récit qui suit est celui de des Grieux, auquel il n'apporte pas de modification. Ce récit est à bien des occasions totalement invraisemblable, tant psychologiquement que d'un point de vue factuel.
La richesse polysémique du roman est alors maximale. En effet de quoi nous parles Prévost?
De la facilité avec laquelle on se laisse raconter une histoire qui conforte tous les préjugés misogynes? De la facilité avec laquelle on se laisse convaincre que celui qui admet (en apparence) ses erreurs nous dit la vérité (tout en se donnant le rôle de la victime)? Du préjugé de classe (le premier narrateur revient souvent sur les origines de des Grieux, pour justifier sa complaisance)? Ou peut être tout simplement du plaisir à se faire raconter une histoire rocambolesque, mêlant passion, aventure, pittoresque et exotisme.
Le roman est très ouvert, probablement trop en fait pour être parfaitement ce méta roman qu'il eut pu être, mais il n'en reste pas moins par l'ambiguïté durable de son propos, un texte digne d'intérêt.