"Il ne faut pas permettre à l'homme de se mépriser tout entier." Bossuet.

Brillante démonstration de Jean Sévillia dans cet ouvrage paru en 2003 aux éditions Perrin et mis à jour en 2013 pour l'édition de poche. Un peu à la manière du "Terrorisme intellectuel" écrit quelques années en arrière, l'auteur s'attache à redonner du sens à notre histoire à une époque où celle-ci peut-être manipulée, simplifiée, orientée ou falsifiée à des fins politiques, médiatiques et intellectuelles. En effet, il n'est pas rare d'entendre des âneries sur tout un tas de sujets : féodalité, croisades, inquisition médiévale, les rois de France, les guerres de religion, les Lumières, la Révolution, l'abolition de l'esclavage, fascisme et antifascisme, résistance et collaboration, décolonisation ou encore guerre d'Algérie. Autant de thèmes abordés dans "Historiquement Correct" avec un sens du rééquilibrage convaincant, sans basculer dans le manichéisme primaire et en gardant à l'esprit qu'on ne peut pas juger le passé à la lumière des idéologies et des acquis actuels. Pour illustrer ce propos, il n'est pas concevable de parler d'obscurantisme ou d'intolérance religieuse dans le monde médiéval occidental par exemple puisque cette notion même de "tolérer" n'a pas le même sens qu'aujourd'hui et que la liberté de conscience n'existe pas dans ces sociétés, je dirai même qu'elle est inintelligible : "Puisque la vérité ne se divise pas, la liberté religieuse est au même degré incompréhensible". Le christianisme occidental, au Moyen-Âge, n'est pas qu'une confession que l'on pratique régulièrement dans un cadre privé, c'est une institution garante du lien social, une structure psychologique qui régie la société, une force civilisatrice. Personne ne doute de l'existence de Dieu comme du Diable à cette époque. Alors quand on entend parler de nos jours, dans les magazines people ou sur les plateaux télé, des trous de balles raconter que l'époque féodale fut une période d'obscurantisme religieux, d'intolérance fratricide (croisades, guerres de religion), une ère de violence sans précédent et qu'il s'agit probablement de la période la plus triste de notre histoire, ça me met sérieusement en rogne. Quid des horreurs commises au XXe siècle ?
Je ne m'attarderai pas sur toutes les thématiques abordées dans Historiquement Correct, car elles sont trop nombreuses et je considère qu'un avis n'est pas une fiche de lecture. Mais sachez que Sévillia procède de la même manière. Il débute chaque chapitre avec un fait récent, des déclarations d'hommes politiques ou médiatiques actuelles et analyse comment aujourd'hui, se sert-on de l'histoire pour véhiculer une idéologie. Puis, il procède, à la manière d'un historien à une étude des faits en présentant l'inverse de ce que l'on pense généralement sur la décolonisation ou les Lumières par exemple. La république et l'école républicaine par le prisme de ses livres d'"histoire" scolaires que l'on soupe pendant presque 18 ans pour ceux qui sont allés jusqu'au bac, sont largement pointés du doigt par Sévillia car ils empruntent des raccourcis honteux, procèdent par omission desservant dans 99% des cas l'idéologie de droite et servant le discours gauchiste ambiant ; ex : 10 pages sur le moyen âge, ensuite on passe à 15 sur le Roi Soleil en prenant soin d'oublier tous les autres mais en citant rapidement François Ier pour pas non plus faire trop tache, 30 pages sur les Lumières et le discours larmoyant sur la tolérance et l'encyclopédie accessible au paysan au fin fond de l’Auvergne, puis on arrive au plat principal avec la Révolution française qui occupe bien 45 pages du manuel etc. Je caricature, pas la peine de ressortir vos vieux manuels scolaires Bordas mais c'est l'idée et j'éviterai ici de détailler ce qui ne va pas dans ces bouquins et pourquoi. Pour cela, je vous invite fermement à lire ce livre d'une grande utilité qui remet quelques pendules à l'heure et c'est franchement salutaire et réjouissant.