Une biographie dit-on...vraiment ? Non vraiment pas. Ce livre n'a rien de très biographique. Il est plutôt un essai (ce n'est qu'un essai d'ailleurs !) sur le parcours politique, d'une certaine conception du pouvoir, d'une période unique dans l'histoire du monde.
Pour moi, ce n'est pas du tout une biographie.
Ian Kershaw est reconnu en tant qu'historien de la couronne de la perfide Albion. Au même titre que Beevor, ces deux là ce sont intéressés plus d'une fois à la Seconde Guerre Mondiale. Leur talent et leur justesse historique est d'ailleurs reconnus. Ils sont dans les meilleurs.
Kershaw sort cette fois des sentiers battus en proposant une vraie réflexion sur le pouvoir nazi, foncièrement destructeur, génétiquement instable et profondément basé sur le "charisme". Intéressante réutilisation du sociologue allemand Max Weber. Weber, ce grand théoricien de la bureaucratie, du pouvoir charismatique et de la sociologie réflexive. Kershaw modifie quelque peu le prisme et donne à son essai une toute autre dimension. En effet, on dépasse le simple récit sur Hitler l'artiste raté parti de rien qui gagne le pouvoir par la simple force de sa parole et de la déperdition des masses.
Non, Kershaw analyse, montre comment Hitler et le NSDAP ont construis leur montée, leur accession. Mais aussi comment ils ont conquis le pouvoir. Kershaw expose toutes les étapes de la centralisation hitlérienne du pouvoir sans jamais oublier d'exposer les conséquences de cette personnalisation du pouvoir en la personne de Hitler. Sa seule personne représente TOUT le pouvoir nazi, il est l'Allemagne. Il est intéressant de voir comment Kershaw montre la manière dont Hitler a détruit le gouvernement allemand, la démocratie et tous les artifices pouvant limiter son pouvoir.
Vision riche d'intelligence proposé par Kershaw. Qu'il défend ardemment. Mais il ne tombe jamais dans la facilité de la généralité et expose avec brio et sérieux chacune de ces idées.
Pas exempt de toute critique tout de même. Kershaw en voulant exclusivement se centrer sur Hitler et le pouvoir nazi en aurait, peut-être, oublié certains autres personnages nécessaire à son pouvoir. Notamment le plus important : Joseph Goebbels. Après, Kershaw le justifie : Goebbels était un fanatique absolu, profondément soumis à Hitler. Goebbels était le bras armé d'Hitler, un simple artifice du pouvoir charismatique d'Hitler, nécessaire oui, mais un simple artifice.
Une sorte de socio-histoire du pouvoir charismatique hitlérien. Bien au dessus de la simple biographie, bien différente d'un simple livre d'histoire. Hitler : essai sur le charisme en politique est un livre d'une rare richesse qui nous en apprend énormément sur le régime nazi, son fonctionnement, son ascension, sa destruction.
Un œil unique posé sur Hitler et l'état nazi/hitlérien. Un indispensable.