Une petite critique vite fait pour répondre à la moitié des critiques qui présentent ce bouquin uniquement comme un brulot trash (ce qu'il est, mais il est loin de n'être que ça) qui dégueule sur toutes les stars d'Hollywood (ce qu'il ne fait quasiment jamais). Ceux qui prétendent qu'Anger a écrit ce bouquin pour déverser sa bile sur des stars déchues ne savent pas lire. L'auteur passe son temps à défendre ces stars brisées par le rouleau compresseur Hollywoodien et s'émeut de leur destin tragique. Il y a de la cruauté dans son texte mais c'est la cruauté de leur sort comme lorsqu'il évoque le déclin d'une actrice par cette formule lapidaire à la fois pleine d'humour noir et de désespoir : "Quelques années plus tard, elle fut plaquée à la fois par le prince, la Paramount et la popularité". Il s'en prend uniquement à ceux qui sont déjà considérés unanimement comme des ordures : les deux sorcières abjectes des chroniques mondaines salissant régulièrement les stars en dévoilant ragots sur ragot, Louella Parsons et Hedda Hopper, le producteurs Louis Mayer, le magnat de la presse William Randoph Hearst, Hays, les censeurs et les moralistes. Les portraits qu'il brosse de ces stars déchues est souvent émouvant. Il fait de Frances Farmer une sainte martyre par exemple, Mae west est glorifiée pour son culot et sa détermination dans son combat contre les censeurs. La déchéance de certains comme la star du muet John Gilbert est présentée comme un complot de Louis Mayer qui a volontairement fait trafiquer les enregistrements sonores de l'acteur pour que le public se détourne de lui au moment du passage au parlant en dévirilisant sa voix, ce qui est un succès, l'acteur laché par Hollywood se suicidantà petits feux à l'alcool. Même quand ils ont un procès, il les défend : si le procureur s'obstine à poursuivre Errol Flynn pour détournement de mineure c'est parce que le producteur Jack Warner n'a pas distribué de pots de vin aux nouveaux patrons de la police et de mairie de Los Angeles. Quant à Chaplin qui se marie avec une lolita de 16 ans c'est un complot de la mère cupide de cette dernière qui a tout fait pour la mettre entre les pates pour récupérer le pactole. La seule star qui passe vraiment pour un porc dégueulasse est Fatty qui a tué une actrice en lui introduisant une bouteille dans le vagin et continué à faire la fête alors qu'elle agonisait. De l'humour et de la tendresse il y en a partout.
Je comprends qu'on accuse Anger d'être faux cul en attaquant la presse à sensation qui traine les stars dans la boue en dévoilant la vie privée alors qu'il fait de même sauf que la perspective de l'auteur est tout autre. Il s'oppose justement aux moralistes qui ont détruit les carrières des stars en raison de leur vie privée alors que lui n'émet aucun jugement sur leur vie privée mais par contre attaque de manière virulente ces pères la vertu. Ces stars, il en fait des victimes tragiques du système hollywoodiens à la fois touchantes et grotesques comme Lupe Velez qui après un chagrin d'amour veut se suicider et être retrouvée couchée sur son lit entourée de roses comme la belle au bois dormant et qui finira noyée la tête dans les toilette après avoir vomi ses somnifères.
Je terminerai sur une citation qui montre qu'en dehors de leurs turpitudes Kenneth Anger est capable de restituer la grandeur d'âme de ces étoiles pâlissantes comme lors de ce bref mais splendide portrait de la divine Greta Garbo, la seule à avoir le courage de se rendre à l'enterrement de Murnau, homosexuel notoire sur qui les commères d'Hollywood laissaient entendre qu'il serait mort d'un accident de voiture alors qu'il pratiquait une fellation à son chauffeur : "Murnau avait embauché comme valet un charmant garçon philippin de quatorze ans nommé Garcia Stevenson. Le garçon était au volant de la Packard quand la tragédie eut lieu. Les méchantes langues d'Hollywood racontèrent que Murnau gratifiait Garcia d'une gâterie au moment où le véhicule était parti dans le décor. Seules onze âmes courageuses (dont Garbo) se rendirent aux obsèques. Farrell et Gaynor qui avaient tourné sous la direction de Murnau dans trois grands films ne lui rendirent pas le moindre hommage. Garbo commanda un masque mortuaire de Murnau et la suédoise solitaire conserva ce souvenir du génie allemand sur son bureau durant toutes les années qu'elle passa à Hollywood. "