En attendant son dixième et dernier film, Quentin Tarantino semble prendre un peu de recul avec le cinéma en devenant écrivain. Il a en tête plusieurs livres, dont un recueil de critiques de films qu'il voyait dans sa jeunesse, et il a eu également envie de prolonger l'univers de Once upon a time in Hollywood, sous forme de novélisation. Forme très en vogue aux Etats-Unis (j'avais lu ET. ainsi avant de voir le film), c'est souvent l'occasion d’étoffer, de développer, voire de combler des zones manquantes là où un roman peut être lu à son propre rythme.
C'est exactement ça pour Il était une fois à Hollywood ; autant j'ai été très critique sur le film, là, c'est un bonheur de lecture, du Tarantino pur jus, une ode à Hollywood. Dans le fond, l'histoire est la même, à savoir la vie de Rick Dalton, acteur de séries télé qui a eu un gros succès plusieurs années durant avec Le chasseur de primes, ainsi que Cliff Booth, son cascadeur, alors que plane l'ombre de Charles Manson sur Hollywood. On peut souligner que le livre a été très bien traduit, ce qui permet de retrouver le style cinématographique de Tarantino, y compris la vulgarité, avec des références cinématographiques à la pelle, où les faux titres de films y sont légion au point qu'on peut se demander si ils auraient pu exister. Mais c'est aussi un hommage aux acteurs qui n'ont pas su prendre le train de la réussite, qui ont laissé passer leur chance à l'instar de Rick Dalton, dont Steve McQueen lui aurait pris sa place, ou un magnifique chapitre sur la déchéance d'Aldo Ray, un acteur qui s'est enfoncé dans l'alcoolisme à force de regrets.
Bien sûr, on ne compte plus les références aux pieds, mais aussi, et c'est plus rare, le livre est plus sexuel que ne l'a jamais été le cinéma de Tarantino, avec la scène où Cliff Booths prend en stop une des adeptes de Charlie Manson pour la ramener au ranch, et elle veut clairement se le faire, ce qu'elle prouve en se masturbant pendant qu'il conduit, mais ça ne lui fait ni chaud ni froid.
Si le jeu des différences avec le film peut être un exercice long et fastidieux, Cliff Booths, que jouait Brad Pitt, est clairement celui qui est le plus développé ; ainsi, on apprend beaucoup de son passé sulfureux, la guerre, et comment s'est déroulé le meurtre de sa femme. La fin de la novélisation est également différente.
Comme je le disais, un livre a l'avantage sur un film d'être lu à sa guise, en prenant son temps sur les 400 pages que constituent cette novélisation. Autant les 2h40 m'avaient paru très longs, la lecture a été un véritable plaisir, même si le choix de musiques chères à Tarantino me manquait, et il faut dire aussi que l'auteur se projette énormément dans le livre. Il fait un caméo en tant qu'enfant de six qui demande un autographe, mais a un film nominé aux Oscars en 1999 avec le (faux remake) d'Une dame en rouge, avec Trudi Frazer, qui est dans le livre cette prodige de huit ans qui tient tête à Rick Dalton dans la série qu'ils tournent. Il s'incruste également en tant que critique cinéma, revenant sur quelques films de cette époque, mais aussi dans l'analyse fascinante d'un plan de Chinatown, à travers le personnage de Roman Polanski.
Once upon a time in Hollywood a l'air d'être un film très cher à Tarantino, au point qu'il envisage de créer un autre roman sur cet univers, mais consacré cette fois aux films tournés par Rick Dalton.
J'en salive d'impatience, autant que fut la lecture de ce premier roman.