Dans son entame, Il ne se passe jamais rien ici pourra déconcerter les fidèles d'Olivier Adam. Par le cadre choisi, d'abord, un petit village au bord du lac d'Annecy et par une intrigue qui a des allures de polar, après un féminicide. Pour un peu, on se croirait chez Djian et les premières pages donnent un aperçu psychologique des personnages qui frôle la caricature, avec un style très direct, qui s'apparente plus à un langage parlé que littéraire. Et puis, la magie agit : les protagonistes sont de plus en plus nombreux et le roman choral apparaît et s'épanouit, portrait d'une communauté où règnent l'hypocrisie, la jalousie, le cynisme et des tonnes de frustration. C'est la comédie humaine qu'évoque le romancier avec son acuité accoutumée, bien que parler de tragédie serait plus adapté. Adam ne se prive pas de donner son avis sur les grandes thématiques sociologiques et l'air du temps : inégalités, consumérisme, racisme, alcoolisme, violences domestiques, réseaux sociaux, etc. Si l'auteur est évidemment du côté des perdants et des cabossés, il ne néglige aucun de ses personnages, même secondaires, car ils ont chacun une expérience de vie à partager, fût-elle plus triste que joyeuse. Autour de l'écrin magnifique que constitue le lac d'Annecy, Olivier Adam tosse savamment la toile des tourments qui agitent les humains et scrute leur comportement. Personne n'est épargné, tous ont leurs raisons, leurs mensonges et leur aveuglement, de l'adolescence à la vieillesse, et chacun poursuit sa route escarpée et survit, tant bien que mal.