En attendant Rooney
J’adore Sally Rooney. J’étais ravi que son quatrième roman, Intermezzo, bénéficie de sa stature de star des lettres mondiales et d’un traitement d’événement éditorial : parution simultanée dans une...
le 30 sept. 2024
"Je suis désolé(e)", ces trois mots reviennent comme une antienne à presque chaque page d'Intermezzo. C'est que les personnages principaux du roman de Sally Rooney, deux frères et leurs compagnes, n'en finissent pas de s'excuser, pour un mot déplacé, une attitude peu amène ou une incompréhension de la sensibilité des autres. Avec son style particulier, qui peut rappeler celui de Djian, en termes d'écriture, de transitions et même de situations au seuil de l'absurde, l'écrivaine irlandaise ne fait toujours pas dans la romance mais dans l'étude cruelle des mœurs sentimentales dans une société sans pitié où la solitude et la dureté des relations, y compris avec soi-même, reviennent sans cesse. L'autrice n'en finit pas de creuser dans l'introspection de ses deux héros, en période de deuil paternel, et de leurs sentiments qui naviguent plus souvent dans la dépression que dans l'euphorie. Sally Rooney ne les ménage guère, les rend même parfois antipathiques, faisant des personnages féminins des êtres un peu plus équilibrés, quoique fragiles voire instables mais avec une empathie qui les sauvent. C'est un peu caché, même pour ceux et celles qui la lisent depuis ses débuts, mais la romancière s'amuse énormément à tirer les ficelles et à souffler le chaud et le froid sur ses protagonistes, tout en faisant preuve d'un humour sous-jacent devant ce théâtre de marionnettes à la recherche de leur identité, du sens de la vie et, bien entendu, de l'amour (celui que l'on reçoit, en priorité, histoire d'avoir une meilleure opinion de sa propre personne). Cela peut frôler le cynisme ou la niaiserie, peut-être, mais Sally Rooney est certainement l'une des plus douées, dans la littérature contemporaine, pour faire ressortir le ridicule de nos comportements et de notre irrépressible besoin d'exister aux yeux des autres. En ce sens, Intermezzo, malgré quelques excès et ressassements dans l'analyse psychologique, confirme et amplifie le plaisir ressenti à la lecture de Normal People et de son livre suivant.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2024
Créée
le 7 nov. 2024
Critique lue 85 fois
2 j'aime
D'autres avis sur Intermezzo
J’adore Sally Rooney. J’étais ravi que son quatrième roman, Intermezzo, bénéficie de sa stature de star des lettres mondiales et d’un traitement d’événement éditorial : parution simultanée dans une...
le 30 sept. 2024
Du même critique
Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...
le 28 mai 2022
79 j'aime
4
Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...
le 25 août 2021
79 j'aime
5
Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...
le 25 sept. 2021
72 j'aime
13