"Si j'étais libre, je voudrais être libre"
Le roman est construit en deux parties.
Sur une Terre isolée dans une Bulle cosmique, la première décrit la vie et le quotidien d'un homme enquêtant sur une disparition.
La seconde plus excitante nous offre une décortication des mécanismes et processus de questionnement que chacun de nous pourrait avoir, une fois privé de ce qu'on croyait aller de soi ; ici la notion de libre-arbitre.
En effet, Greg Egan comme nombre d'entre-nous a quelques petites obsessions.
Celle du libre-arbitre revient souvent chez lui.
C'est une nouvelle fois le cas ici, servi magistralement par le support des probabilités quantiques au fort potentiel métaphysique.
Ma déception, cependant, vient de cette sensation que l'histoire n'est en fait qu'un prétexte à l'exercice jubilatoire de cet immense dialogue d'un monologue interne. Celui d'un Greg Egan qui n'aurait pas pris la peine de créer un monde tangible. J'aurais aimé plus qu'une esquisse de cette société. Je me suis sentie perdue dans cette partie d'un tout laissé à l'abandon.
Peut-être s'agit-il d'un choix.
Et quel meilleur choix alors que celui-ci pour renforcer notre identification au hamster condamné dans une boucle récursive et vertigineuse de questionnements, auteur d'un "génocide de probabilités" !
L'exercice est ardu et réussi.
Difficile aussi de se sentir concernés par ces personnages dont on ne sait rien, marionnettes de leurs implants (Mod), de commanditaires anonymes, ignorants de ceux/ce qui les gouverne, isolés de l'univers par on ne sait qui ou quoi.
Mais c'est aussi là tout l'intérêt du livre.
Le lecteur n'en sait guère plus que le personnage. Il suit au plus près ses circonvolutions et contorsions mentales, en lutte pour prendre connaissance des limites de sa roue, résoudre les énigmes et s'émanciper.
Et nous de tirer les parallèles avec notre société et nos vies.
Orwell et 1984 sont d'ailleurs cités.
Parce que le but de Greg Egan est d'interroger notre assujettissement. Quel qu'il soit.
Assujettissement à nos croyances, nos certitudes, nos amours, à notre passé.
Et bien sûr à nos contestations !
Nos allégeances. A qui vont-elles ? A un système ? Une entreprise ? Une personne ? Le gain ?
Et si toutefois "aucune censure ne s'exerce sur nos spéculations, le fait de savoir que nos sentiments nous sont imposés ne les rend pas moins puissants."
La force de ce roman est de tisser avec notre complicité un fragile et complexe fil d'Ariane dans ce labyrinthe d'idées où envisager une porte de sortie c'est massacrer ceux que nous pourrions avoir été. L'essentiel étant que l'illusion du libre arbitre reste toujours convaincante !