Ouille!
En ce moment, dès que je dis du bien d'un auteur "populaire", son roman suivant est une horreur, Michel Bussi signant avec "J'ai dû rêver trop fort" son plus mauvais bouquin.
Pourtant, on ne peut pas reprocher au prolifique écrivain français de ne pas savoir se renouveler : contrairement à un Harlan Coben dont chaque intrigue démarre de la même manière, Bussi parvient à changer d'univers à chaque opus.
Avec "J'ai dû rêver trop fort", on est cette fois sur le terrain de la grande passion amoureuse, et force est de constater que ce genre n'est pas celui qui convient le mieux à l'auteur normand, qui alterne les paragraphes bien écrits voire touchants, et les passages d'une mièvrerie sans nom, soulignés par un lyrisme de supermarché.
Néanmoins, la première moitié du roman se laisse lire sans trop d'efforts, avec une construction narrative sur deux timelines, artificielle mais assez virtuose.
On apprécie aussi la bonne idée de choisir une héroïne hôtesse de l'air, ce qui permet de prétexter facilement des voyages touristiques à travers le monde (Montréal, Los Angeles, Barcelone, Jakarta…).
Une lassitude finit toutefois par s'installer, et ce ne sont pas les quelques épisodes plus orientés thriller (l'escale à Tijuana avec les méchants trafiquants) qui réussissent à réveiller le lecteur.
Et puis, plus grave, le roman s'effondre complètement sur la fin, lorsque l'auteur est censé retomber sur ses pattes après avoir installé une somme d'évènements mystérieux et a priori incompréhensibles.
C'est en général le point fort de Bussi, très doué pour intriguer son lecteur avec des éléments scénaristiques "impossibles", avant de le bluffer ensuite par des retournements scotchants mais finalement rationnels.
Dans "J'ai dû rêver trop fort", c'est la cata de ce point de vue : soit Bussi ne se justifie pas (la fameuse pierre de temps qui se déplace par l'opération du Saint-Esprit), soit il explique consciencieusement chaque coïncidence de façon maladroite, lors de discours démonstratifs hyper scolaires.
Et surtout, malgré ces justifications artificielles, le romancier ne convainc pas : rien ne tient debout au final dans cette histoire, et j'ai l'impression que Bussi ne travaille plus assez ses intrigues, avec son rythme de publication stakhanoviste.
Et je n'ai même pas parlé du dénouement putassier, soi-disant poétique, où l'auteur utilise opportunément un tsunami en Indonésie pour permettre l'apologie de la réussite médiatique chez un artiste raté, lequel n'en finit pas de mourir devant son écran de télévision. Désespérant...