Maurice Barthélémy est un type pas comme les autres. Né en Bolivie d'un père français et d'une mère haïtienne parlant portugais et espagnol, il a dit zut à la carrière de diplomate qui lui tendait les bras pour faire embrasser le théâtre, puis le cinéma comique. Petit, nerveux et lunaire, c'est un peu le fils contre-nature de Joe Dalton et Gotlib : au fil d'une filmographie étrange, inconstante mais délibérément originale, il s'est constitué une réputation fortement discutée, séduisant les uns (dont je fais partie) par son humour de dilettante hystérique totalement absurde, consternant les autres par la lourdeur (il est vrai parfois exagérée) de ses blagues d'attardé mental. A l'écran, on a ainsi pu l'aimer, ou le détester, dans La Stratégie de l'Echec, Casablanca Driver, RRRRRrrrr, Astérix Mission Cléopâtre, le poétique Papa et le plus récent Low Cost (passons sous silence Pas très normales activités, avec Norman, qui, même pour un fan de Barthélémy, est extrêmement difficile à défendre). Tout le monde vous le dira : quand on accroche à l'humour de l'ex-Robin des bois, il suffit d'une mimique, d'un plan, d'un mot pour être emporté dans un fou rire nerveux qui ne s'éteindra que quelques minutes après. Maurice Barthélémy a un humour de malade mental, d'apparence gentil et poétique, qui au fond gronde d'une folie furieuse et d'une envie permanente de lâcher la bride à l'absurde.


Presque quinze ans après sa publication, pris dans la continuité de sa filmo, "J'ai passé ma vie à chercher l'ouvre-boîtes" est un petit bijou. Pour qui s'intéresse au minimum au personnage, ce très court récit permet de le découvrir totalement libéré de toute contrainte, de toute pression, bref, de découvrir le Barthélémy dans son état naturel, avec un humour totalement décomplexé, qui prend de telles libertés avec absolument tout (le langage, la logique aux premiers plans) qu'on ne peut qu'en tomber raide dingue. En gros, le livre raconte le dimanche ordinaire d'un petit garçon vivant dans une famille nombreuse, dans une petite maison de banlieue quelque part dans l'Oise. Il se murmure que le livre aurait été inspiré de sa vie, ce qui est en pratique très difficile à vérifier tant Barthélémy reste, au fond, un homme secret. Mais on ne peut s'empêcher de tracer des parallèles avec son cinéma, particulièrement avec "Casablanca Driver", son premier film, qui pourrait être considéré comme la suite de cette petite histoire complètement folle : on y retrouve le caractère fou du gamin, son prénom composé bizarre (Marcel-Trinidad), son manque d'attaches, l'usage de l'espagnol pour faire parler les personnages, rappelant ses propres origines ; surtout, on y retrouve cette totale indifférence face aux sentiments que pourraient provoquer des phrases aussi stupides que : "Ils étaient plus de 50 000 dans la salle de bains" ou "La plaque chauffante sur laquelle on m'avait disposé commençait sérieusement à m'indisposer". Le livre est minuscule, fait 50 pages écrites très gros et fait vraiment beaucoup rire. À bien y réfléchir, c'est le meilleur film de Barthélémy en version scénario, ce qui n'est pas mal. Et même sans être fan, c'est sans doute l'un des "romans" comiques les plus subversifs, les plus débridés et les plus efficaces qu'on ait pu lire depuis un bon moment. Un quart d'heure en perspective, mais on peut le relire. Ouf.


"Revigoré par ma séance de thalassothérapie, je me suis hasardé à plaisanter en pariant qu'il y aurait des patates à l'eau en entrée, en plat et au dessert (vu que ma grand-mère ne sait faire que ça, avec le gâteau au yaourt). En principe j'aurais dû déclencher la poilade générale. Mais là, le bide que je me suis pris, même l'abbé Velu au caté ne l'a jamais fait avec son histoire de l'éléphant qui ne trouve plus d'eau. Vous la connaissez, l'histoire de l'éléphant qui ne trouve plus d'eau ? Alors, c'est l'histoire d'un éléphant qui tous les jours va tremper sa trompe dans une mare d'eau, où il y a un crocodile. Jusqu'au jour où le crocodile lui mord la trompe et l'éléphant, qui sent qu'il y a un problème, dit : mais qui est-ce qui a pris toute l'eau ? Là, eh ben vous voyez, c'est un triomphe à côté du four que je me suis pris."

boulingrin87
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 3 janv. 2015

Critique lue 512 fois

1 j'aime

Seb C.

Écrit par

Critique lue 512 fois

1

D'autres avis sur J'ai passé ma vie à chercher l'ouvre-boîtes

Du même critique

The Lost City of Z
boulingrin87
3

L'enfer verdâtre

La jungle, c’est cool. James Gray, c’est cool. Les deux ensemble, ça ne peut être que génial. Voilà ce qui m’a fait entrer dans la salle, tout assuré que j’étais de me prendre la claque réglementaire...

le 17 mars 2017

80 j'aime

15

Au poste !
boulingrin87
6

Comique d'exaspération

Le 8 décembre 2011, Monsieur Fraize se faisait virer de l'émission "On ne demande qu'à en rire" à laquelle il participait pour la dixième fois. Un événement de sinistre mémoire, lors duquel Ruquier,...

le 5 juil. 2018

79 j'aime

3

The Witcher 3: Wild Hunt
boulingrin87
5

Aucune raison

J'ai toujours eu un énorme problème avec la saga The Witcher, une relation d'amour/haine qui ne s'est jamais démentie. D'un côté, en tant que joueur PC, je reste un fervent défenseur de CD Projekt...

le 14 sept. 2015

74 j'aime

31