Le syndrome du deuxième roman, cap difficile à passer, surtout après un premier aussi réussi et prenant que Petit pays, allait-il frapper Gaël Faye ? Déjà, il ne s'est pas précipité, laissant du temps passer (8 ans), et s'il aborde de nouveau le sujet du génocide rwandais, il le fait de manière différente, en prenant un personnage principal qui n'est pas impliqué directement dans l'atrocité des événements et qui va nous servir de guide, au gré de ses rencontres et de ses recherches, dans l'exploration du passé, avec ses stigmates et la renaissance d'un pays partagé entre la volonté d'aller de l'avant et la nécessité de ne jamais oublier. Le style fluide de l'auteur fait merveille, laissant une large place au romanesque, tout en rappelant l'essentiel des faits advenus il y a un peu plus de 30 ans, en les remettant dans une perspective historique, essentielle pour comprendre la mécanique de l'horreur, sans excès de didactisme, cependant. Le livre est remarquablement construit, captant la manière dont le pays a évolué en 3 décennies, comment les rescapés ont essayé de panser leurs plaies ou cherché à se venger, pourquoi les nouvelles générations ont occulté le traumatisme ou l'ont intégré dans une société nouvelle, où le pardon a sa place, un peu comme pour la société sud-africaine après l'apartheid. Bref, Jacaranda est un roman touffu dans un récit clair qui ne cherche pas à être poignant à tout prix et qui s'attache avant tout à l'humain. Il y a moins de flamboyance dans Jacaranda que dans Petit pays mais tout autant de compassion et de sensibilité et, peut-être, davantage d'espace pour l'espoir et la sérénité. Sans oublier le talent de conteur de Gaël Faye, qui est une évidence.