Si Gagner la guerre s’apparente à l’avènement précoce comme subjuguant de l’art de Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera n’est toutefois pas en reste : initiateur en la matière, ce recueil de huit histoires relève du pain béni pour quiconque raffole (comme moi) de la plume habile de l’auteur, tant dans la forme que dans l’imagination créative et narrative. Une palette de récits tous à minima bons (et plus encore), alliant cohérence et versatilité dans le style et l’intention, chacun étoffant à sa manière le rayonnement captivant d’un Vieux Royaume palpable à l’envie.


De son ouverture « mythologique » à sa conclusion en « abime », Janua Vera se paye donc le luxe de varier les plaisirs (et ainsi les nôtres) pour mieux assoir la richesse de son univers : un décorum aux forts accents médiévaux en rien réducteurs, Roi-Dieu, crapule et autre paysanne démultipliant la profondeur remarquable de leur « Histoire » commune, une fresque bigarrée où l’épique se mêle à l’inique, l’héroïsme à la roublardise et la gloire à la misère. Au lecteur à présent d’en profiter, quitte à carrément préférer tel ou tel récit, mais sans en mettre un seul de côté nous concernant : tous y ont plus que leur place.


C’est notamment le cas de l’éponyme Janua Vera où Leodegar le Resplendissant, légendaire Roi de Leomance d’antan, ne porte pas l’intrigue la plus approfondie du lot : mais les souffrances tues car inavouables de son protagoniste et son tomber de rideau, symbolique à souhait, nous rappellent combien Jaworski sait parfaitement valoriser chaque pan de son joyau littéraire. Il en va de même pour la rédemption et le deuil d’un barbare tenace, lui qui n’aura de cesse de flirter avec la Grande Faucheuse et autre divinité masquée (Une offrande très précieuse), ou encore l’étonnant Le conte de Suzelle via son traitement aux antipodes du prince charmant.


Dans un registre plus « commun », l’exquis Mauvaise donne réalise l’exploit de nous tenir plus qu’en haleine malgré un dénouement connu (Gagner la guerre étant déjà passé par là), tandis que Le Service des Dames détourne subtilement la geste chevaleresque, pavant de nuances un sens de l’honneur plus retors qu’il n’y paraît. Enfin, le trio restant et final conforte en une apothéose généreuse comme maligne l’échine polymorphe de Janua Vera, le farceur et savoureux Jour de guigne nous déridant sans coup férir, au contraire d’Un amour dévorant versant dans le conte noir et glaçant et la mise en abime vertigineuse de Le confident, qui parachève l’écriture si astucieuse de Jaworski.


Bref, ce fut un pur régal, et voilà que point un second rappel à notre attention : lire le reste de son œuvre relève de l’impératif !

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