Ma lecture du Journal d’un curé de campagne de Bernanos ne fut pas désagréable ; néanmoins, la saveur que j’en ai gardé demeure fort contrastée.
Commençons par les bons côtés du livre. D’abord, les personnages et leurs réflexions. Je me souviens d’emblée du curé de Torcy, qui est tout à fait admirable : c’est un homme fier, intègre, franc, authentique. Il est toujours sincère, et s’exprime sans ambages. Il est en ce sens comparable à M. Olivier, le militaire motard. Les deux offrent des monologues profonds et mémorables, en livrant d’une manière parfois un peu désordonnée leurs pensées sur Dieu, sur le monde, sur les hommes. Il y a aussi la comtesse, qui parvient mal à maintenir debout les remparts de sa forteresse intérieure et ne peut s’empêcher de s’effondrer émotionnellement sous le poids de son drame familial ; il y a sa fille, une mauvaise graine au bon fond.
Mais surtout, il y a le narrateur, le curé d’Ambricourt. Ce personnage arbore une certaine forme d’aura, lui attirant l’amitié sincère des hommes intègres (comme le curé de Torcy et M. Olivier). Sans dire mot, il inspire confiance, et ses paroles précèdent toujours une réflexion profonde chez celui qui l’écoute (cf. le dialogue avec Mme la Comtesse). Le curé d’Ambricourt est un homme attachant, fascinant même, par son humilité, son abnégation, sa faiblesse assumée, sa sensibilité exacerbée, et sa volonté de devenir toujours meilleur et davantage au service de Dieu. En somme, c’est l’archétype du chrétien idéal, pieux, humble, modeste et droit. La fin qui est la sienne m’a d’ailleurs quelque peu peiné.
Un autre bon point est remporté grâce à l’écriture de Bernanos, et notamment par son sens de la formule qui produit quelques pépites (« Le ridicule est toujours si près du sublime » ; « La grâce est de s’oublier. » ; « L’enfer, c’est de ne plus aimer. » ; « Garder le silence, quel mot étrange ! C'est le silence qui nous garde. »).
Mais voilà, il y a une ombre au tableau. Il se trouve que je me suis globalement ennuyé durant ma lecture. En fait, il ne se passe presque rien d’intéressant tout au long de l’histoire. Le seul regain dans l’intrigue intervient à la toute fin, lorsque le curé apprend qu’il n’en a plus pour longtemps. Tout le reste de l’histoire n’est que longs dialogue, longs monologues et maux d’estomac…