Ce livre est le vaisseau spécial que j’ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles
Première remarque sur cet objet en lui-même. C'est un livre qui ne demande pas qu'à être lu, il souhaite être touché, caressé... Sa couverture en relief sur papier mat se présente comme un message écrit en braille. Il se touche et touche en plein coeur tout simplement.
Fantaisie, poésie et humour sont les maîtres mots de l'univers de Mathias Malzieu.
En racontant cette histoire de vampire en pyjama, l'auteur raconte le drame de sa vie. Avec recul, détachement humour et lucidité, il explique son parcours du combattant, son combat contre la maladie.
Cette histoire dramatique de maladie n'est aucunement et jamais larmoyante. Le malade ne s'appitoie jamais sur son sort et nous propose de rire avec lui en employant ce ton décalé et charmant qui lui est propre.
Le sentiment qui prédomine ici est la tendresse. Celle que l'on ressent pour ce rockeur fou, passé maître dans l'art de faire le con poétiquement ne nous quittera pas.
Cet ouvrage, qui se lit très vite est une réécriture du journal intime du vampire à partir du jour où il a été diagnositiqué.
Sa rencontre avec Dame Oclès, dans sa salle de bain a donné également naissance à des chansons réunies dans un album sorti en début d'année. Ombre impressionnante, elle personnifie les angoisses qui l'habitent et contre lesquelles il doit lutter en même temps que la maladie.
"- Je ne vous imaginais pas si petit ... Sa voix ressemble à celle qui
annonce les horaires des trains sur les quais de gare.
- Il va falloir que je vise bien pour vous couper la tête ! Elle fait glisser le plat de son épée contre ma joue.
- Mais qui êtes-vous et ...
- Je suis Dame Oclès, me coupe-t-elle.
- Dame qui ?
- Oclès ! Dame Oclès enfin ! Mon épée est assez réputée, déclare-t-elle en tapotant fièrement le métal de sa lame.
- Dame Oclès ... Connais pas.
- Comment ça "connais pas " ?
- Ah non, non, connais pas !
- Et bien vous allez apprendre à me connaître, car désormais j'irai partout où vous irez, dit-elle en levant son épée au-dessus de ma
tête"
Au fil des chapitres aux titres subtilement choisis, l'univers hospitalier est décrit avec un onirisme de bon aloi. Ainsi, on comprend comment pendant la promotion de son film Jack et la mécanique du coeur, il passait son temps entre son lit et la chambre stérile d'un hôpital parisien. La grande faucheuse lui volait sa peau et il ne s'est pas laissé détrousser.
L'attention des proches, l'amitié qui soigne dans les moments difficiles...
Joan (Sfar) est venu me voir juste après l'interview donnée pour le film (Jack et la mécanique du coeur). Il avait fait des crêpes avec du nutella.Il m'a posé des questions très précises et a écouté tout aussi précisément mes réponses. C'est reposant de ne pas avoir à tout réexpliquer. Les petites attentions me réchauffent le coeur. Ce qui m'aide le plus en ce moment, ce sont les gens attentifs.
Malzieu rend aussi un bien bel hommage aux Nymfirmières,
Ces grandes déménageuses de l’espoir. A elles la lourde tâche de diffuser quelques bribes de lumière aux quatre coins de l’enfer, là où les anges perdus font du stop à main nue ».
Bien joli livre plein d’humanité, à déguster pour le plaisir des mots et de la tendresse. Ce témoignage sensible et poignant de sa reconstruction,progressive pour et par ceux qui l'ont aimé.
Les 225 pages se lisent très vite donc aucune excuse pour personne de ne pas prendre ce concentré de tendresse entre les mains.