Magnifique roman d'apprentissage, Joyland est une belle surprise, de celle qui vous marque et justifie à elle seule le talent indéniable de Stephen King.
Ouvrage en apparence mineur dans l'oeuvre gigantesque du maitre du suspense, le romancier de Shining parvient à nous émouvoir avec une histoire banale, celle de Devin Jones jeune étudiant en proie aux premières désillusions (dès le début on apprend qu'il se fait jeter par sa copine de fac) qui décide de travailler tout l'été dans un parc d'attraction appelé Joyland.
A travers le point de vue du héros, on suit son parcours, ses rencontres, et le passage au combien difficile à l'âge adulte: l'initiation, les premiers émois (on bascule carrément dans Un Ete 42 lors de la deuxième partie du livre), la responsabilisation et la confrontation à l'absurdité de la vie. La représentation du monde forain est superbe mais aussi nostalgique à la fois, rendant féérique chaque moment passé avec un personnage ou un manège.
Tour à tour fantastique (comme toujours chez King, un croque mitaine, un fantôme et un médium ne sont pas loin...), polar (une enquête sur un meurtre non résolu), mais aussi carrément grand roman américain et le fameux second acte fitzgeraldien, Joyland est surtout touché par la grâce, celle d'un écrivain au sommet de son art pour qui le surnaturel n'est désormais qu'un artifice: seule l'émotion et l'empathie guide sa plume, s'attachant à développer en profondeur les relations humaines entre chaque personnage.
Pour qu'un roman soit réussi, il faut que le héros le soit: et chaque lecteur sera comblé avec Devin Jones, qui de par ses choix, son courage ou tout simplement son bon goût (un jeune qui écoute Les Doors et Pink Floyd, lit le Seigneur des Anneaux est forcément un homme bien) parviendra à évoquer en chacun d'entre nous quelque chose de l'ordre du déjà-vu, comme beaucoup de grands personnages chez King.
Sans commune mesure avec la présentation complètement WTF d'Albin Michel au dos de Joyland, qui prend des vessies pour des lanternes et insistant sur un roman d'horreur qui va nous faire flipper. Comme si d'une part Stephen King avait besoin de ça pour vendre, et d'autre part il faut s'interroger sur l'intérêt publicitaire des éditeurs (ou bien n'ont ils même pas lu le livre, ce qui serait encore plus grave à mes yeux...).
Car si frisson il y a, c'est dans sa qualité d'écriture avec des phrases définitives qui restent longtemps dans la tête, comme ' L'Histoire c'est la merde collective et ancestrale du genre humain, un énorme tas de fumier qui n'arrête pas de monter. A l'heure où je te parle, on est plantés debout au sommet mais dans pas longtemps, on sera enfouis sous le caca des générations à venir' ou bien encore ' Ne te soucies pas du deuxième acte tant que le premier n'est pas terminé'.
Stephen King is my hero!
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