Mer Noire, littoral de contrastes...
Jules Verne, lancé dans sa longue série de "Voyages Extraordinaires", a choisi cette fois le littoral de la Mer Noire. Les héros en font le tour, et Jules Verne nous sert de guide touristique sur les contrées traversées, mêlant toutes les sciences de la nature et les sciences humaines pour caractériser chaque paysage.
Le génie de la narration de Jules Verne vient de l'équilibre remarquable qu'il réussit à tenir entre la plate description d'un calendrier de déplacements, le suspense nécessaire (il faut avoir fait le tour de la Mer Noire avant une certaine date, voir "Le Tour du Monde en 80 jours"), les rapports de forces entre ses personnages, leur mise en danger et la réalisation de leurs objectifs, entre la lecture d'une carte et l'évocation de l'exotisme propre à faire rêver ses lecteurs.
Les scènes de farce alternent avec les scènes dramatiques. Le tonitruant Kéraban, buté au point de faire le tour de la mer Noire au lieu de régler un simple péage à Istanbul, est un peu un anti-Jules Verne, qui exorcise peut-être ici un démon: autant Kéraban est obstiné, fermé à toute nouveauté, confit dans son identité et le respect des traditions vieilles-turques, autant Jules Verne s'ouvre avec sympathie et générosité à tout ce qui est loin, différent, étonnant.
Le pusillanime Van Mitten, en délicatesse avec son épouse, est également l'occasion de plusieurs scènes comiques, dont des fiançailles bien involontaires.
Jules Verne en rajoute parfois un peu dans les noms turcs des vêtements et ornements, si bien que parfois, on ne comprend pas très bien de quel oripeau il s'agit exactement.
L'édition du Livre de Poche est enrichie des nombreux dessins de Bennett, romantiques à souhait, souvent rudes et mystérieux dans leurs striures et leurs clairs-obscurs contrastés.
Une belle aventure, écrite sur un ton alerte, enthousiaste, bon enfant et généreux.