Je n’écrirai pas ce que j’écris si j’étais belle, belle à changer l’attitude de tous les hommes que je croise 



Après avoir lu la tribune de Virginie Despentes à propos des Césars, je me suis dis que c’était peut être l’occasion de lire à nouveau son essai King Kong Théorie. C’est un peu le bouquin que je voyais se relayer de mains en mains, conseillé sur de nombreux podcasts, bouleversant de nombreux lecteurs. Alors pourquoi, au final, la seule chose dont je ne me souvienne soit sa colère et une anecdote au couteau ?
Décidément, une deuxième lecture s’imposait, et c’est pour ça qu’a mon tour, maintenant, j’ai envie d’en parler.


Dans son ouvrage, elle exprime pages après pages son combat pour trouver sa place, l’aimer, et la garder. Trouver sa place au sein des femmes elles mêmes, celle que l’on lui donne auprès des hommes, et puis celle qu’elle décidera de prendre et d’assumer.

Elle parle en son nom, et ne fait pas une généralité de ce qu’elle défend, mais la colère qui fait surface parfois s’accompagne toujours d’une réflexion cohérente relative à son passé. Je pense que c’est ce point essentiel que j’avais manqué la première fois. C’est son point de vu, relié à son histoire, même si malgré tout elle soulève de nombreux points importants et universels.
A travers différents sujets, tels que le viol, la prostitution ou encore la pornographie, elle aborde essentiellement la question de la position de la femme, mais aussi celle de l’homme. Elle s’adresse tout aussi bien à l’un qu’a l’autre, car c’est à l’origine de ce conflit que de nombreuses choses ont trop souvent été secrètes, ou inavouables.



  • Déplacer sa peur et se faire confiance.



 Et si je n’ai plus jamais été violée, j’ai risqué de l’être cent fois ensuite. 



Accumuler de la force, et la laisser à l’autre. C‘est comme ça que ça fonctionne. On peut se préparer au pire, s’armer contre le pire. Au final, on nous apprends à avoir peur, pas à faire peur. Lors du chapitre abordant son viol, Despentes témoigne d’une réalité qui m’a fait froid dans le dos. Elle explique que ce soir là, elle était munie d’un petit couteau, qu’elle savait manier, et utiliser. Elle explique clairement qu’elle sait se défendre. Cependant, dans cette relation de force où son agresseur domine, l’objet de défense se retrouve objet de menace. « Pourvu qu’ils ne la trouvent pas », pense-elle.


Aussi, comment réagir après l’agression? Que dit-on des femmes qui ne disent rien? Et de celles qui n’ont pas peur de raconter leur histoire ?
On n’apprend pas à devoir surmonter ce genre d’épreuve, et encore moins à en parler. Parce qu’on ne nous apprend pas à savoir comment écouter ou réagir.
Virginie Despentes explique qu’en tant que femme qui refuse de laisser un homme la détruire, elle à décidé d’enfouir cet élément, de ne pas en faire un marqueur important de sa vie. En faisant ce choix, elle se refuse de se voir comme une victime, mais se rend ensuite compte qu’en agissant comme comme ça, elle refuse aussi cette position aux autres femmes en dissimulant son histoire.
Il faut parler, il faut dénoncer. Parce que tant que les femmes n’utiliseront pas ce mot si difficile à prononcer, celui qui choque, tant que les victimes ne parleront pas de viol, il ne faut pas attendre des bourreaux qu’ils le fassent eux-même.


Tout en essayant donc, de rappeler aux femmes leurs droits et devoirs de parole, elle exprime aussi l’importance du rétablissement du dialogue entre les sexes. Parce oui, elle haie certains hommes, ceux qui lui ont reprochés sa place, ceux qui lui ont fait du mal, ceux face auxquels elle à du montrer les dents, mais elle n’oublie pas de s’adresser aux autres, ceux avec qui elle s’est sentie bien. 


  • Délier les langues pour relier les corps.



 La révolution tient à quelques accessoires



Jean Basket, c’est bien le costume idéal pour ne pas se faire emmerder. Mais ça peut aussi être celui qu’on aime et qui est confortable. C’est cela dis moins vendeur quand il s’agit de louer son corps. Rouge à lèvre et talons, il faut oser. Il faut forcément être super canon pour porter ça. En fait, le déguisement de femme se prête à tout le monde, malgré ce qu’on pense. Et Despentes qui pensait ne jamais avoir à faire ça pour se légitimer en tant que femme, se retrouve émue, témoin de son propre face à face avec sa féminité. Non, personne n’a besoin de porter une jupe pour se sentir une femme, mais trop souvent il parait préférable de porter ses complexes.
Elle ne fait pas l’apologie de la prostitution, elle fait l’apologie de ce qui lui à permis de se ré approprier son corps, sa sexualité et celle de l’autre. Celle de l’homme en fait. Dans son cas, elle à pu accéder à deux nouvelles choses:
* La féminité qu’elle ne se permettait pas d’assumer, celle dont elle ne se sentait pas légitime
* Un nouveau rapport avec le sexe opposé, où elle se détache de son statu de « femme ratée » pour devenir « femme complice ». Elle rétablit l’importance de la parole et de l’échange entre les genres. « Les hommes et les femmes, traditionnellement, n’ont pas à se comprendre, s’entendre et pratiquer la vérité entre eux.» Dans cet espace où les rôles et désirs sont assumés, l’un comme l’autre se permettent et se laissent découvrir.


Et c’est en cela que le livre de Virginie Despentes s’adresse autant aux hommes qu’aux femmes. Tous les deux enfermés dans des rôles; d’un côté fantasmé, belle et respectable, de l’autre sale, égoïste et arriviste.



  • Tout casser pour reconstruire en mieux



Le féminisme est une aventure collective (…) il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis deshommes, mais bien de tout foutre en l’air



Bien trop souvent, à l’étroit dans notre place, on oublie d’en occuper une. Pas moins importante que celle des autres, et avec un droit de parole égal. Comme Despentes l’a fait, comme Adèle Haenel l’a fait. Comme tous ceux qui l’ont fait, et ceux qui le feront. Plus qu’un droit, qu’on en fasse un devoir, une promesse. Parlons, ne nous arrêtons pas, crions s’il le faut. Et si crier n’est pas assez fort, « on se lèvre et on se casse ».

ael
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le 29 mars 2020

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