Monstre sacré du cinéma pour l'occident, pilier du petit écran au Japon, Takeshi Kitano se laisse découvrir dans ce recueil d'entrevues en forme de biographie. L'occasion d'enfin en savoir plus sur le bonhomme, dont la personnalité reste assez méconnue en France où il est vu presque exclusivement à travers ses films.
Personnage extrêmement versatile, Kitano livre les meilleurs morceaux du bouquin d'entrée, en racontant son enfance compliquée, son parcours sinueux et ses mauvais penchants de petit voyou. Il parait que l'adversité forge le caractère et Kitano a bien ramé avant de percer, ceci explique peut-être l'intégrité voire l'intransigeance artistique qui transpirent de ses films. Car sans surprise, le livre est puits d'information pour mieux saisir l'ensemble de son oeuvre cinématographique, appréhender ses méthodes de travail, ses objectifs et la cohérence de sa vision. Kitano fait des films pour le plaisir, pas pour vendre. Il fait des films par accomplissement personnel et fera des films jusqu'à ce qu'on n'en puisse plus de les regarder, dès lors on comprend mieux leur capacité à toucher les spectateurs car la démarche globale est avant tout incroyablement honnête. Paradoxalement, Kitano réalise ses films un peu au jugé, un peu à l'arrache, entre deux émissions télé, quelques peintures ou des numéros de claquette... un agenda bétonné sur plusieurs mois, à la manière d'un politicien.
Le livre dévoile aussi des informations intéressantes sur sa vie de tous les jours et sur le fonctionnement de sa "cour", proche de l'esprit de clan des yakuzas, les activités mafieuses en moins.
Le deuxième grand sujet du bouquin concerne sa vision politique et son opinion sur bon nombre de sujet sociaux, artistiques ou sur son pays en général. Une partie nettement moins intéressante qui paye surtout le fait d'être le résultats d'entretiens étalés sur plusieurs années. Beaucoup de petites phrases se télescopent, Kitano se contredit parfois et dispense quelques poncifs moralisateurs dont on aurait pu se passer. Si il n'ose rentrer trop dans le détail, à quelques exceptions près, Kitano agrémente parfois son discours de quelques opinions iconoclastes qui viennent nuancer un propos un peu convenu ou pas franchement intéressant.
Au final, Kitano par Kitano est un livre un peu décousu, un assemblage d’éléments divers à l'intérêt variable mais néanmoins entier et particulièrement franc, à l'image du personnage.