Ici, rien ne manque à l'appel dans le bingo lovecraftien : la découverte d'une inquiétante science occulte appartenant au passé, une description minutieuse de ses origines historiques qui résulte d'un effort colossal de documentation, un narrateur prenant la place du témoin de terrifiants évènements qui vont secouer la population de la baie de Rhode Island, proche de la ville de Providence (berceau de Lovecraft).
C'est avant tout une trop forte curiosité pour un culte s'étendant sur plusieurs siècles qui provoquera la chute du protagoniste. Pour le jeune Charles Wards, le point de départ sera la révélation d'un mystérieux ancêtre et de ses recherches macabres, dont l'obsessive poursuite pour en comprendre l'objet finira par le conduire dans la folie. À supposer que celui-ci soit véritablement fou évidemment.
La particularité de ce récit réside dans sa longueur inhabituelle, qui n'est déplaisante qu'à condition d'avoir décroché de l'intrigue. Fort heureusement, celle-ci est très bien construite et le lecteur est aiguillé par une succession d'indices habilement placés afin qu'il puisse tirer rapidement ses propres conclusions.
Le style est dépouillé, tandis que le contenu regorge d'une myriade d'informations détaillées, allant jusqu'à intégrer des incantations écrites dans des langues oubliées, quand ce ne sont pas directement des néologismes obéissant à leurs propres règles.
C'est donc davantage un roman qu'une nouvelle, ce qui permet d'autant plus d'apprécier le registre de l'horreur cosmique lorsqu'il est poussé dans ces retranchements. L'exercice est sans nul doute réussi tant l'effroyable enquête sur Joseph Curwen m'a donné des sueurs froides.
Ainsi, le plaisir que j'ai pris à m'engouffrer dans cette sinistre histoire de nécromancie n'a d'égal que l'innommable épouvante que m'a procuré la description des sous-sols impies de la ferme de Pawtuxet.
Probablement l'un des meilleurs du genre et l'une des histoires les plus complètes de Lovecraft. Cependant, prenez garde, ne lisez rien que vous ne puissiez oublier.