Avec six romans, dont les magnifiques "La Piscine Bibliothèque" et "La Ligne de Beauté", des recueils de nouvelles et de poésie, Alan Hollinghurst s'est imposé comme un écrivain majeur, dépassant très largement son statut d'écrivain homosexuel. Descendant de Henry James, il écrit des ouvrages imposants aux constructions complexes embrassant des chronologies longues, pour mieux décrire l'évolution des moeurs et des valeurs de la Grande-Bretagne.
L'Affaire Sparsholt pourrait être considéré comme une histoire de l'homosexualité qui se décompose en cinq parties. Dans la première, David Sparsholt est un athlète sculptural qui débarque à Oxford en 1940 pendant le Blitz et suscite les convoitises d'un petit groupe composé majoritairement de jeunes homosexuels. Aussi irrésistible qu'ambigu, il brouille les pistes. Dans la deuxième partie, c'est son fils Johnny, âgé de quatorze ans, qui est gay, dont on suit les désirs naissants pour son camarade français, Bastien. Dans la troisième partie, Johnny retrouve le groupe d'Oxford, et le lecteur apprend l'existence d'une "affaire Sparsholt", scandale sexuel qui a concerné son père, mêlant des hommes politiques et des prostitués masculins. Johnny devient alors le personnage central dans les deux dernières parties. C'est l'histoire de son émancipation et de l'invention de sa propre vie qui devient le sujet du roman. Il devient père biologique d'une petite fille qu'il conçoit avec une amie lesbienne. Il devient un peintre renommé. Il se fixe avec Pat, qui devient son compagnon de vie.
L'histoire de Johnny contraste singulièrement avec celle de son père, marquée par le scandale, la honte, la dissimulation. La dernière scène dans une boite de nuit, où, âgé de soixante ans, encore marqué par la mort de Pat, Johnny exulte, se drogue, rencontre un jeune amant, et apprend en même temps la mort de son père, est absolument magnifique.
Hollinghurst est un formidable moraliste, qui dépeint les différentes forces à l'oeuvre dans une société, symbolisés par des personnages (la famille Miserden qui se fait tirer le portrait par Johnny, parvenus ridicules, incultes et imbus d'eux-mêmes), les gays des années 2010, rongés par leurs addictions à la drogue et aux applications de rencontres, incapables de s'intéresser aux autres. Johnny apparait comme une figure d'accomplissement humain, libéré des conventions sociales, du nouveau conformisme gay, et des faux semblants de la bourgeoisie britannique.