Née au nord de la Russie après la Révolution, la jeune infirme Maria perd un à un les siens et, poussée par la misère, se retrouve contrainte d’aller tenter sa chance toujours plus loin. Elle parvient ainsi à Léningrad et trouve à s’y employer dans un orphelinat. Le siège de la ville par la Wehrmacht lors de la seconde guerre mondiale la force à fuir avec les douze seuls enfants survivants.
Cette histoire racontée avec la naïveté d’un conte est tout simplement terrible. Un petit bout de femme, que tout laissait présumer aussi fragile qu’un fétu de paille dans le vent de l’Histoire, résiste à toutes les épreuves - handicap, misère, famine, solitude – pour devenir, malgré elle, l’incarnation anonyme du courage et de l’abnégation. Aux côtés de la jeune Maria, vouée dès la naissance à une existence misérable et insignifiante, et qui traverse les terrifiants soubresauts de son époque avec la patience têtue des êtres habitués à faire impassiblement avec le pire, sans même songer à se plaindre, c’est toute l’histoire du petit peuple de Russie, pendant les années trente et quarante, que l’on traverse à hauteur d’une âme simple, que les vicissitudes ne parviennent pas à altérer.
Toujours au plus près du ressenti et du quotidien des personnages, au travers d’une foule de ces détails infimes qui font pourtant la couleur d’une vie, le texte ne se départit jamais d’un parti-pris narratif aussi déconcertant qu’efficace quant à l’effet recherché. S’il n’a cessé de me rebuter, au point de me gâcher une bonne partie de mon plaisir de lecture, il contribue fortement à l’atmosphère et au ton si particuliers du roman. Son expression exaltée et emphatique, ses salves de phrases brèves, souvent sans verbe, mitraillées de points d’exclamation, mais aussi ses formules imagées, formulées avec une spontanéité simple et presque naïve, dans une langue très orale, créent l’impression d’écouter un témoin de ces temps anciens narrer ses souvenirs, discrètement teintés d’un parfum de mélancolie et de légende épique.
Travaillé jusque dans son style en un puissant hommage à ces innombrables très modestes anonymes, qui, du temps des grands-parents de l’auteur, ont payé un si lourd tribut à l’Histoire en Russie, ce roman est de ceux qui vous impressionnent par leurs qualités, même si elles en rendent aussi la lecture quelque peu ingrate.
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