Globalement un très bon roman de Jack London, assez bref et bien rythmé.
Le roman fait figure en premier lieu de voyage initiatique pour le chien Buck, et London en profite pour parfaitement retranscrire les paysages du Grand Nord, autour du Yukon et du Klondike. L'ambiance de la ruée vers l'or de 1897 est aussi palpable, avec en toile de fond l'énergie folle générée par la cupidité, qui seule fait échapper la plupart des hommes au désespoir.
Dans un deuxième temps, un certain fil conducteur apparait : à travers la nature, à travers la force physique, les épreuves, le froid, le besoin d'un certain ensauvagement, de brutalité apparait. Et la conséquence de cette violence nécessaire est le développement des capacités physiques, de la résistance, de l'instinct, mais aussi la résurgence de caractéristiques génétiques d'un ancien âge.
A travers l'atavisme du chien Buck, c'est aussi une certaine ode au retour à la nature pour l'homme, qui dans cet environnement sauvage et impitoyable retrouverait sa puissance d'antan, pour être pleinement maître de lui même.
Enfin, cet atavisme est aussi le couronnement de la libération de Buck des chaînes du travail, symbolisées par le harnais du traineau. Au commencement, Buck est un chien magnifique, mais indolent, presque gras. Il est le chien d'un grand bourgeois, et n'est pas conscient de sa propre force. Il est mou et inutile.
S'en suit l'esclavage, la maltraitance. Buck aura plusieurs maîtres, plus ou moins bons et qualifiés, mais il sera toujours asservi. Comme énoncé plus tôt, cet asservissement lui permettra de développer sa force, et surtout d'en prendre conscience. Malgré sa soumission, Buck tirera même une grande fierté d'être un bon chien de traineau, et cherchera à s'imposer comme le chef de l'attelage, quitte à devoir guerroyer avec les autres chiens, pour être au final celui servant le mieux les maîtres.
Il n'y a qu'à la fin de l'œuvre, après la mort de son meilleur maître, et le meurtre de ses premiers humains que Buck réussira à se départir de la loyauté envers les hommes pour enfin répondre à l'appel de la nature. Désormais seul maître de lui même, créature magnifique, dominateur de son environnement et de sa meute, il règne sur son territoire et chasse même les hommes.
Buck est donc surtout le symbole du prolétaire, qui dans les efforts surhumains produits sous la contrainte développe une force antique. Que ce soit en tant que bourgeois gras ou prolétaire maltraité, il n'y a qu'en s'ensauvageant, notamment grâce au contact avec la nature, que Buck a pu se libérer et devenir une créature sublime, maître de lui même et de son monde.
Ainsi, London dresse un roman marqué par son époque (salariat ouvrier, entassement dans les usines et les villes, ruées vers l'or et poursuite du matérialisme) et sa propre opinion communiste pour raconter l'histoire d'une surpuissante entreprise humaine aux confins du monde, tout à la fois ode à la nature et chant de libération du prolétaire, à travers un certain ensauvagement nécessaire.