Que la force soit avec eux
Ce roman est avant tout, l'histoire d'une rencontre, celle du narrateur, en pleine crise, avec Victor Salagnon, vieux militaire doté d'un talent étonnant : la peinture. Commencée sur fond de guerre du Golfe, l'histoire se poursuit à travers la deuxième guerre mondiale, puis le Vietnam et la guerre d'Algérie. Confronté à la guerre, la position du soldat est simple : il faut détruire l'ennemi. Voilà une certitude qui permet de se définir, à condition de savoir qui est son ennemi. "Avoir un ennemi est le bien le plus précieux" dira Salagnon devant la perplexité des ses anciens camarades, retournés à la vie civile. Après avoir massacré tout autant les hommes du viet minh que les civils, puis torturé en Algérie les "suspects" jusqu'à tous les éliminer, les soldats sont perdus dans un monde sans ennemi, et s'en inventent. Salagnon, lui, a toujours été sauvé par le dessin. "Dessiner, c'est recoudre les plaies", dit-il. Ce qui vaut au lecteur de magnifiques descriptions des différentes techniques.
Chacun cherche la ressemblance chez l'autre, dit encore Salagnon. Et le narrateur, qui n'a jamais connu d'ennemi identifiable, s'inquiète davantage de voir, dans un pays en paix, grossir le nombre de policiers dans les rues. Ils cherchent la ressemblance et à défaut, ils appliquent la force. Et si ça tourne mal, leur légitimité en sera renforcée, ainsi que la solidarité du groupe. Frères de sang.