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Je crois qu'Holden essaye de nous dire quelque chose ; c'est pour ça qu'il écrit, non ? Pour nous parler d'un truc ; mais on ne sait pas de quoi ; lui-même ne le sait pas, en fait. Alors il nous parle de tout, fait des tas de digressions ; tout cela cache quelque chose, mais quoi ?
Holden aimerait se confier, mais il ne veut pas qu'on le prenne pour un fragile ; Holden ne sait pas ce qu'il veut.
Holden se défile, se présente sous de faux noms, s'invente une autre identité auprès des inconnus qu'il croise, des femmes surtout, pour leur plaire peut-être. Mais que dissimulent ces noms d'emprunt ? Qui se cache derrière eux ? QUI EST HOLDEN ?
Holden ne tient pas en place. Il ne se sent chez lui nulle part, s'enfuit dès qu'il arrive quelque part. Chaque endroit finit par lui paraître hostile. Les gens qui peuplent tous ces environnements lui posent problème, aussi. Pourtant Holden recherche sans cesse de la compagnie, une connexion. Il contacte d'anciennes connaissances, tente de leur parler ; en vain. Dès qu'il ouvre la bouche, les yeux de ses interlocuteurs s'écarquillent d'incompréhension ; ils ne pigent rien à ce qu'essaye de leur dire Holden. Holden est décidément un garçon très bizarre, comme le dira Mr Antolini, le seul à l'avoir compris un tant soit peu.
Holden n'aime rien ; les bruits que font les gens, leurs tics de langage, leurs manies ; tout ça combiné l'agresse. Même ceux qu'il apprécie ont ça. Comme si le monde entier avait quelque chose de malade, de pourri en lui. Comme si le monde entier lui voulait du mal.
Les seuls avec qui Holden se sente bien, ce sont les enfants. Les enfants comme sa petite sœur Phoebé, ou comme ce petit garçon qu'il croise dans la rue. Et les enfants qui sont partis, comme son petit frère Allie ou ce camarade de classe qui a sauté de la fenêtre. Les enfants sont insouciants, à l'abri.
Holden aimerait redevenir un enfant. Parce qu'il sent que bientôt, très bientôt, il n'en sera plus un. Holden se sent entraîné, à toute vitesse, vers un gouffre où il ne veut pas tomber ; il hurle, essaye de se raccrocher à tout ce qu'il peut, mais rien n'y fait ; la Chute est inéluctable, inexorable ; lorsqu'il voit tous ces enfants autour de lui, il a peur pour eux ; il aimerait les préserver de cette dégringolade, les rattraper avant qu'ils ne tombent, les protéger, les garder au chaud dans le monde idyllique de l'enfance. Mais il n'y a rien à faire, car le temps passe, et contrairement à ces statues du musée que, petit, Holden visitait avec sa classe, les enfants changent. Ils grandissent. A quoi bon grandir ? pense Holden. A quoi bon grandir, si c'est pour finir comme ces adultes qui ne font jamais rien comme il faut, ne comprennent rien à rien, disent et croient des choses idiotes ? Quand Holden voit ça, il préfère se dire qu'il va s'enfuir, vivre une existence excentrique à l'écart du monde, ne plus jamais avoir à affronter son quotidien...


Et puis non.


Holden terminera en asile. Comme s’il était fou. MAIS HOLDEN N'EST PAS FOU, BON SANG, IL EST JUSTE PERDU. Et ce livre est l'histoire de son errance pour se retrouver. Ses écrits sont un hurlement de désespoir. Un appel à l'aide. J'existe, nous crie-t-il au travers des pages, j'existe et j'ai peur, peur de ce que je vais devenir, peur de ce monde hostile.
Impossible de prédire ce qui va se passer ensuite. Y a-t-il un fond au gouffre dans lequel il tombe ? Que pourra-t-il y trouver ? Nous ne le saurons jamais, car ce livre est l'histoire d'un tâtonnement, et qu'il n'appartient qu'à Holden de trouver la réponse à ses questions. La seule certitude que l'on a, lorsque l'on referme le livre, c'est qu'on ne veut pas le laisser seul. Alors on le relit, encore et encore, pour tenir sa main et ne pas la lâcher. Ce roman s'intitule l'Attrape-cœurs, et c'est son cœur qu'on voudrait attraper. On voudrait le prendre, le serrer contre soi, le protéger, l'empêcher de sombrer dans le gouffre de l'oubli...mais, diantre, qu'écris-je là ? Ne serais-je pas un peu devenue Holden Caufield moi-même ? Dans ma tête, la réponse fuse : Sans Blague !

DanyB
7
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le 2 déc. 2017

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Dany Selwyn

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