Dans les quelques premières pages de son livre, David Le Bailly écrit:
"Il faut se méfier des livres que les autres ont échoué à écrire"
Dommage qu'il n'ait pas tiré les leçons de sa propre prophétie (surtout quand "les autres" sont des types comme Pierre Michon...)
A un moment, il faut arrêter de se mentir: si personne, aucun biographe, n'a parlé de Frédéric Rimbaud, le frère oublié d'Arthur, c'est peut-être parce qu'il n'y a rien à en dire... En tous cas rien qui vaille 384 pages.
Je m'attendais à un parcours, à une vie écrasée par l'ombre du frère, on parlait de "vie sacrifiée sur l'autel de la gloire d'Arthur"... mais en vérité il n'y a rien de tout ça.
L'histoire de ce frère est d'un banal à pleurer: un père absent, une mère autoritaire, un fils prodigue (celui qui part loin), un autre mal aimé (celui qui reste), ajoutez à ça une mésalliance alléguée et la famille choisit son camps.
Dans n'importe quelle famille on trouve ce genre d'histoire, et à mon sens il ne suffit pas que l'une des parties soit célèbre pour qu'elle présente un intérêt.
Le Frédéric, il a eu une vie banale, pas spécialement heureuse, pas non plus la plus malheureuse (si l'on considère les standards de l'époque), mais il n'a pas touché le pactole des droits d'auteurs... la belle affaire.
Après si c'est l'occasion pour certains de découvrir qu'Arthur Rimbaud d'un ange n'avait que la tête, pourquoi pas, mais ça n'est pas franchement un scoop en 2020.
L'absence de fond n'est malheureusement pas vraiment compensée par la forme, qui m'a laissée pour le moins perplexe.
Un mélange de roman non fictionnel et de récit d'enquête qui fait qu'à un moment on ne sait même plus ce qu'on lit.
Je n'ai pas compris l'intérêt de cette construction qui m'a semblée fort malhabile.
Il est notamment acquis qu'on dispose de tellement peu d'informations sur Frédéric Rimbaud que ses propres descendants ne savaient même pas où il était enterré.
Partant de ce rien, je trouve gênant le parti pris de faire de Frédéric une victime de la méchanceté des siens, seule âme pure au milieu d'une famille de dégénérés... C'est un peu facile et le procédé me parait un peu grossier.
Il manquait sûrement de la matière, en conséquence l'extrapolation va à mon sens trop loin pour être honnête.
Bon après, ça se lit facilement, ça on peut pas dire.
Peut-être que Jaenada aurait fait de ce sujet un livre tout à fait flamboyant.
En l'occurrence, ça donne un livre qui, à part sa couverture, présente bien peu de relief et qui, comme ce bon Frédéric, tombera je pense rapidement dans l'oubli.