Je commencerai cette critique par une anecdote parfaitement quelconque. Je lisais ce roman dans le métro gare Saint-Lazare et je me dirigeais paresseusement vers la ligne 14, lorsque je croisais une dame un peu plus âgée que moi, qui voyant ce que je lisais m'adressa un sourire complice qui semblait me dire que j'avais bien raison de lire ce livre. A peine moins anecdotique, Woody Allen le cite dans Manhattan parmi les choses qui font que la vie vaut la peine d'être vécue, et je ne peux que lui donner raison.

Ce roman est multiple. Commençons d'abord par ce que le titre n'indique pas : c'est un roman hautement politique, qui peut être lu comme une passionante analyse de la révolution de 1848 et de son esprit. Quelques figures, quelques types suffisent à nous faire comprendre les causes profondes de cette révolution, et l'analyse politique de Flaubert se révèle d'une brûlante actualité : il semblerait qu'en 160 ans, la politique française ait beaucoup moins changé qu'il n'y paraît.

C'est sinon bien entendu un roman d'apprentissage, et plus précisement un roman de l'échec. Frédérique Moreau, dans lequel je me suis, hélas !, beaucoup reconnu, est un jeune homme intelligent et ambitieux, qui a les capacités pour réussir. Mais, si Flaubert a lu Balzac, c'est pour s'en écarter, et Frédérique, pour des raisons variées, parfois cruelles et parfois très belles, n'arrivera à rien.

Et enfin, et peut-être essentiellement, c'est aussi un magnifique roman d'amour. Le premier chapitre, qui décrit la rencontre entre Frédérique et Mme Arnoux est tout simplement une merveille. "Ce fût comme une apparition", tout est là ! Et là encore, c'est peut-être un roman de l'échec et pourtant... Car la toute fin du roman, après une sublime ellipse, contient deux chapitres, comme deux fins alternatives qui se suffisent chacune à elle-mêmes. La première est la dernière rencontre entre Frédérique et Mme Arnoux, et elle est toute d'une beauté et d'une vérité douloureuse. La seconde est moqueuse et cynique. Peut-être faut-il choisir, ou peut-être les deux sont-elles vraies, en même temps, comme la vie elle-même est drôlet et absurde, mais aussi triste et belle...

Un peu maladroitement sans doute, j'aimerais finir par dire que le style de Flaubert, dont les phrases coulent comme un torrent de montagne par un beau matin de printemps, est un sommet de la langue française, qu'il soit sérieux ou comme souvent, ironique.

Le deuxième meilleur roman qui m'ait été donné de lire...
corumjhaelen
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le 25 mars 2013

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corumjhaelen

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