Premier postulat à la lecture de cette "œuvre" : l'auteur ne sait pas ce qu'est le libéralisme. Mais pas du tout. Je renvoie à l'excellente critique de gio, qui critique très bien le livre avec ce biais-là.
Second postulat : Michéa, en plus de raconter n'importe quoi, est vraiment dangereux. Non pas pour le système ou pour le CAPITAL, comme il semble (et ses fans avec lui) le croire avec acharnement. Mais dangereux pour la démocratie ou la liberté, ces notions surfaites de petit-bourgeois. On sent bien tout le long de l'atroce lecture que, boh, une petite dictature, c'est pas trop mal, au final. Mais attention pas la vilaine dictature fasciste, noooon, la dictature ÉCLAIRÉE. Et ça, ça change tout. Puisque, évidemment, Michéa et ses amis sont les seuls à savoir pour les gens ce qui est mieux pour eux. Il le répète suffisamment. Comme c'était à prévoir, il cite à tout va les philosophes les plus proches de cette mouvance de totalitarisme gentil de gauche, c'est à dire Hobbes, Rousseau et Hegel. De l'Etat, encore de l'Etat, toujours de l'Etat. Bref, rien de neuf sous le soleil.
Mais là où Michéa "innove" (si j'ose dire !), c'est qu'en plus d'être contre le libéralisme économique, comme tout gauchiste qui se respecte, il s'oppose également au libéralisme philosophique et culturel. Le duo gagnant, on croirait entendre Soral. D'où, d'ailleurs, sa constante propension à mêler libéraux et libertaires dans le même sac. (Car oui, pour Jean-Claude, Laurence Parisot, Daniel Cohn-Bendit et le Marquis de Sade sont des libéraux. Sade, le proto-fasciste par excellence est un libéral, c'est dire l'indigence du propos) C'est d'ailleurs ce qui me fait détester encore plus l'ouvrage, ce trait anti-libertaire, qui tend à ressortir les énièmes marottes des conservateurs de droite les plus décatis : anti-féminisme (le passage sur le totalitarisme maternel que serait la société libérale est stupéfiant de misogynie et est profondément abject), critique de l'anti-racisme, ... Et surtout, trophée de tout stalinien existant encore et ne s'étouffant pas sous l'indécence et la honte, il critique évidemment tout l'apport des études sur les oppressions, puisque, c'est bien connu, seul le Capital opprime, les autres oppressions sont des micro-oppressions. (Bien sur, le stalinien standard étant un homme-cis blanc hétérosexuel, ce genre de notion lui est complément étrangère) Difficile de sortir indemne de ce ramassis d'horreurs anti-progressistes que ne renierait pas un Soral. (Qui a d'ailleurs rendu un chaleureux hommage à Clouscard, maître à penser de Michéa)
Pour finir, je tiens à dire un mot du style d'écriture, qui est imbuvable comme pas possible, c'est d'une prétention rarement égalée, pompeux et sur-abusant du name dropping à tout va. Michéa est cultivé et veux que vous le sachiez. Sans comptez son admiration proche de l'adulation d'Orwell, qu'il ressort à toutes les sauces et à qui il fait dire tout et n'importe quoi. Sinon, Jean-Claude, c'est le seul type que je connaisse qui fait des notes à ses notes. Car oui, il consacre des mini-chapitres à ses notes, qui sont elles-mêmes le sujet d'autres notes. C'est stupéfiant. On voudrait rendre la lecture ardue qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
C'est donc une brillante réussite : une indigence crasse sur le fond ET sur la forme. Il fallait quand même le faire ! (Et, cerise sur le gâteau, IL CITE POSITIVEMENT STALINE. Si vous n'avez pas compris quel est l'avenir dont ce genre de type rêve, c'est que vous le faites exprès.)