La politique (française) est un marigot où nagent toutes sortes de bestioles dont l'objectif suprême semble être de s'arroger le plus de pouvoir possible. Avec L'emprise, Marc Dugain se surpasse dans une description brillante et d'une ironie cinglante de ce marécage nauséabond et cynique où se côtoient candidats à l'élection présidentielle, patrons de grands groupes industriels, grands manitous du renseignement intérieur et quelques autres animaux plus ou moins influents. L'auteur construit une fresque d'une belle complexité qui ne perd jamais son lecteur dans le même esprit qu'un Zola ou qu'un Balzac dans sa Comédie humaine. Tout est faux (quoique) mais tout sonne vrai dans ce thriller magnétique qui plonge dans les entrailles d'une société française malade de corruption et de liaisons dangereuses. Dugain aborde une multitude de sujets (dont la mondialisation et le poids de la finance) sans pour autant perdre de vue ce qui fait l'essence d'un bon roman : la caractérisation précise de ses personnages. Ceux de L'emprise sont diablement humains dans leurs faiblesses, leurs peurs, leurs lâchetés, leurs espoirs et leurs compromissions. Vif et incisif, le roman mêle avec grand talent image publique et vie privée dans un tableau vivant et exacerbé d'une petite élite dopée à la griserie du pouvoir qui va droit dans le mur à une vitesse stupéfiante. Est-il besoin de souligner que le livre est passionnant et haletant de bout en bout ?