J’ai beaucoup hésité avant de me lancer dans la lecture de ce pavé. Egan est réputé pour être excellentissime dans ses nouvelles et moyen dans ses romans. A l’exception de Isolation, que je tiens pour chef- d’ouvre absolu, je partage cet avis pour les autres œuvres que j’ai lues : Axiomatique et Radieux sont impressionnants de clarté visionnaire et de maîtrise, Zendegi est long et banal. Je me suis finalement décidé, et hélas L’Enigme de l’Univers ne déroge pas à la règle, c’est très décevant.
Le roman se divise en 4 parties, et la première est de loin la plus intéressante. On suit le journaliste Andrew Worth dans la réalisation d’un reportage sur les dérives de la science, omniprésente en ce début de XXI siècle. Le reportage traite plusieurs sujets différents (résurrection forcée, transformation biologique, l’autisme comme un choix de vie,… ). On retrouve là tout le génie visionnaire de l’auteur, qui non content de traiter brillamment chacun de ces sujets, à la manière d’une nouvelle indépedante, nous fait vivre le quotidien d’un homme connecté et plongé dans une science libératrice au quotidien. Cette partie s’achève quand le journaliste accepte son prochain reportage au sujet de Violet Mosala, prix nobel participant à un congrès scientifique ultra-pointu sur la théorie du tout, visant à unir toutes les théories scientifiques et expliquer l’univers dans son ensemble. Le congrès se passe sur Anarchia, île biotechnologique créée artificiellement, mais non reconnue politiquement car le brevet scientifique ayant permis sa naissance a été volé à la société de recherche Engenuity qui en est le possesseur officiel.
Tout commence à se gater dans la 2eme partie du roman. On découvre les tensions politiques autour du statut Anarchia, les tensions scientifiques entre les différentes théories qui vont s’affronter, et les tensions des sectes dites ignorantes qui rejettent les avancées scientifiques. Dit comme ça ça paraît passionnant, erreur, c’est un salmigondis scientifico-politico-socio-métaphysique complètement confus et embrouillé. Autant dans Isolation, Egan nous faisait vivre et ressentir la physique quantique par chacun de pores de notre peau, là on se sent complètement étranger à tout ce qui se passe. Les principaux personnages n’ont aucune consistance, aucune caractérisation, aucune description même. Violet Mossala vient d’Afrique du Sud et à aucun moment on ne saura si elle est bien de couleur noire, il y a une totale absence de description comme j’en ai rarement rencontrée. On découvre alors enfin le pitch du roman en la personne des Anthrocomoslogistes. Là encore la théorie aurait pu être passionnante mais c’est mal expliqué, incompréhensible, expliquée une seule fois puis plus jamais remise sur le tapis, du coup on perd le fil et on a du mal à suivre. En gros les AC considèrent que comprendre et expliquer totalement une chose revient à créer cette chose. Et donc la personne qui arrivera à expliquer totalement le monde via une théorie du tout valide, sera la Clef, cad ni plus ni moins que le dieu créateur de ce monde.
La troisième partie est du pur espionnage avec plein de monde qui essaie de tuer Violet Mossala, la Clef toute désignée, mais on a du mal à comprendre qui veut la tuer et pourquoi. Il y a des AC modérés, des AC unitaires, des AC extrémistes, on est complètement perdu entre le spécificités théoriques de chaque groupe et leurs actions. Certains ont peur que l’acte de création engendre la fin du monde, d’autres veulent choisir leur propre Clef, un charabias qui n’en finit pas et qui a du mal à passer. Pour rajouter un peu de confusion, on ajoute un side-kick «asexe » dont la sémantique concourt à plomber davantage la lecture qui n’en demandait pas tant (vous comprendrez si vous lisez), ainsi qu’un peu de politique fiction avec l’invasion de l’île par une armée de commande à la solde cachée de Engenuity.
Quatrième partie ATTENTION SPOILER !!!! Ca n’en finit pas, jusqu'au dénouement ou Violet Mossala meurt avant de devenir la Clef, mais sa théorie ayant été diffusée ultérieurement partout sur internet, c’est un Logiciel informatique qui devient la clef, puis par un rebondissement que je n’ai pas compris ou que j’ai oublié, c’est Andrew Worth lui-même qui devient la Clef. L’univers n’est pas détruit et la vie suit son cours avec la totale compréhension de l’Univers pour l’ensemble des habitants de la Terre.
Pour finir je dirais que c’est dommage car il y avait moyen de faire quelquechose de passionnant mais une nouvelle aurait pu suffire, au lieu de ces 600 pages très indigeste. Coup de chapeau quand même à la description chirurgicale des avancées scientifiques proche du cyberpunk, qui commencent à être monnaie courante en 2020 alors que lors de l'écriture du roman je ne sais même pas si le 1er téléphone portable avait été commercialisé. Un talent visionnaire digne d'Asimov mais ça ne suffit pas à faire un bon roman.
En conclusion, je pense qu’on ne m’y reprendra pas, je vais donc pour la suite lire Océanique, le 3eme recueil de nouvelles que je n’ai pas encore lu, puis je relirai Isolation en espérant prendre la même claque que lors de la première lecture. Et c’est tout je ne donnerai pas leur chance à La Cité des permutants, Téranésie, Diaspora, … à moins de lire une critique qui me donne un jour envie de les lire !