Comme dans Isolation ou Téranésie, Greg Egan place l'action de L'Énigme de l'univers dans un futur proche, assez peu différent de notre début de XXIème siècle. Les romans de cet auteur australien sont à classer en hard-SF, mais on y trouve aussi un poil de cyberpunk et de science-fiction spéculative.

Le personnage principal de L'Énigme de l'univers, Andrew Worth, est un journaliste et à ce titre dispose d'un appareillage d'enregistrement vidéo (et audio) intégré à son corps. Il possède également des implants permettant de transmettre et de recevoir des informations du réseau.
La spécialité de Worth est la science. Il produit des reportages sur des personnalités du monde scientifique, des colloques, des mouvements sociaux plaçant telle ou telle avancée technologique en première ligne...
C'est pourquoi ce journaliste se retrouve sur Anarchia, où doit se dérouler une convention rassemblant les plus grands physiciens de la planète. Le thème du séminaire : la Théorie du Tout, capable d'expliquer le fonctionnement de l'univers entier.
Mais Anarchia, île du Pacifique construite par des anarchistes par le vol de brevets n'est pas un lieu des plus tranquilles pour une réunion scientifique. Sans compter les groupements anti-scientifiques et/ou mystiques qui ont décidé de participer au colloque. Du coup, le séjour que Worth pensait relativement tranquille risque de ne pas être de tout repos...

Avec l'Énigme de l'univers, Greg Egan prouve encore à quel niveau se place son imagination : très très haut. Il démontre encore une fois qu'il est un des maîtres incontestés de la hard-SF actuelle. Non seulement parce qu'il a des idées fascinantes, mais surtout parce qu'il sait expliquer la science. Il ne laisse pas son lecteur patauger dans une semoule scientifique incompréhensible et ses œuvres sont abordables par à peu près tout le monde.
Mais cela ne suffit pas pour écrire de bons romans. Il faut une intrigue, des personnages, des lieux, qui vont retenir le lecteur jusqu'au bout. Dans L'Énigme de l'univers, Egan y arrive assez bien, mais ce n'est pas parfait.
Andrew Worth est un personnage assez peu atypique. Il correspond au canon du journaliste, mâtiné d'une pointe de difficultés dans la vie dues au fait que c'est un bourreau de travail. On a un peu de mal à comprendre, d'ailleurs, comment cet égoïste finit par se sacrifier plus ou moins pour Violet Mosala vers la fin du roman. Sans doute est-ce parce que l'auteur n'a personne d'autre pour le faire et il doit alors user de quelques contradictions pour s'en sortir.
Mention spéciale pour Anarchia, île corallienne construite de toute pièce, soumise à un blocus car ses habitants sont des anarchistes ayant volé des brevets à une des plus grosses firmes de génie génétique mondiales. Comment on peut avoir idée d'y faire se dérouler une des plus grandes réunions scientifiques de l'histoire de la physique mondiale est une bonne question. C'est un peu comme si on avait voulu organiser la remise des prochains prix Nobel à Cuba pendant la guerre froide. J'oserais dire que l'idée est stupide, bien qu'elle permette de placer l'action dans un lieu relativement isolé, facilement « contrôlable » par l'auteur.
Enfin, Egan a du mal à tenir en haleine son lecteur. Bien qu'il y ait du suspens, l'histoire comprend aussi des ralentissements. Il y a des bifurcations dans le récit, permettant à l'auteur de décrire plus avant quelques transformations sociales de ce futur spéculatif, notamment en matière de sexualité. Bof.

Greg Egan, qui pourtant écrit des romans de hard-SF exigeant beaucoup de rigueur, se tourne donc un peu trop vers la facilité pour se sortir des traquenards de sa propre narration. Légères contradictions et situations un peu inconcevables gâchent un roman foisonnant d'idées. Preuve qu'il n'est pas aisé d'écrire un roman scientifique divertissant et palpitant.
Je ne conseillerais pas de façon absolue L'Énigme de l'univers. Contrairement à Isolation, à mon avis plus accessible, ce roman me semble à réserver aux fans de Egan et aux afficionados de la hard-SF.
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le 19 déc. 2010

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