L'étranger est à mon avis l'un des livres les moins bien compris. Tout le monde l'a lu, pourquoi faire ici un résumé ? Allons d'emblée à l'essence des choses. Ce livre est un cauchemar presque gothique. Il commence par la mort de la mère du "héros", fini par la condamnation à mort de ce dernier : entre temps un meurtre est commis sur la plage et un chien disparait. Ce livre est un cauchemar paranoïaque.
L'homme, celui qui nous parle, n'a que peu de sentiment ; du moins, dirions nous à la place : l'homme n'est pas sûr que les sentiments existent. Il se demande, baignant dans une mer indifférente, inquiète et chaude ; très chaude. Car il fait toujours chaud chez Camus, le romancier. L'Algérie, on y crève même littéralement de chaleur, et d'angoisse. Il n'y a rien, et l'Homme le sait, sa souffrance se déploie ; alors, comme toujours chez Camus, l'indifférence est comme la dernière défense mise à la disposition de l'Homme pour supporter l'insupportable. Meursault c'est l'homme assumant cette indifférence jusqu'au bout. Je peux tuer cet homme, là bas, sur la plage, puisque rien n'a de sens, puisque tout est absurde.
" Meursault, disait Sartre, c'est celui qui pousse l’honnêteté jusqu'à ne pas faire semblant d'aimer sa mère". La société des autres n’acceptera pas : il mourra même pour pour ça. Car il aura déchiré le contrat des Hommes.
L'étranger est un livre plus profond qu'il n'y parait. Ce n'est pas qu'un simple roman sur l'absurdité du monde pour adolescent intelligent et sensible (oui, certains adolescents sont bêtes et insensibles). Camus l'a écrit jeune, il n'avait pas trente ans. Dommage qu'il n'ai pas continué dans cette voix, au lieu de s'adonner à la prise de position politique (souvent hasardeuse et molle : la preuve tout le personnel politique le site, ou plutôt le pille (vraiment tous, sans la moindre exception)). Du coup l'étranger souffre-t-il de l'aura quasi religieuse de son auteur. Car au lieu d'être lu comme une sorte de prolongement moderne des thématiques dostoïevskiennes, il apparait le plus souvent, malheureusement, comme un plaidoyer sensuel et tragique. Et c'est dommage, car c'est un grand livre.