Un excellent roman non-fictionnel, qui avait tout pour me plaire.
Déjà, je suis friand de livres inspirés de faits divers, en règle générale : grand consommateur à l'époque de l'émission "Faites entrer l'accusé", je trouve que la fiction pure n'aura jamais autant d'impact que les faits réels.
Ensuite, le fait divers relaté dans "L'inconnu de la poste" s'avère particulièrement fascinant, doté d'un fort potentiel romanesque. Il s'agit en effet du meurtre sauvage - au couteau - d'une gentille postière, dans un petit village sans histoire de la "Plastics Vallée", dans la région du Haut-Bugey.
De plus, cette sombre affaire met en présence une célébrité du cinéma français, le comédien Gérald Thomassin, qui après un succès fulgurant lors de ses premiers pas à l'écran (César du meilleur espoir pour "Le petit criminel", à l'âge de 15 ans), verra sa carrière se tasser à mesure que son existence bascule dans la marginalité - tout en tournant grosso modo un film chaque année.
Thomassin s'est installé au village de Montréal-la-Cluse quelques mois auparavant, histoire de se mettre au vert. Adoptant un comportement étrange après le meurtre, il finira par être soupçonné, puis écroué de manière préventive.
En prime, cette énigme criminelle comporte deux rebondissements particulièrement inattendus, qui confère toute sa "valeur" à l'affaire Sophie Burgaud.
Le premier est généralement connu du grand public (du moins auprès de ceux qui ont entendu parler de cette histoire) : il s'agit de l'incroyable disparition inexpliquée de Gérald Thomassin, le jour où il devait être entendu une dernière fois par le juge d'instruction.
Le second l'est nettement moins (pour m'a part je l'ai appris grâce au livre), et constitue un formidable final twist en guise de conclusion, comme dans tout bon polar.
Mais "L'inconnu de la poste" ne se limite pas à cette seule portée "policière".
L'auteur Florence Aubenas enrichit le récit de toutes ses qualités d'écriture, conférant au livre une valeur ajoutée remarquable, notamment sur le plan sociologique. La Plastics Vallée incarne cette fameuse France périphérique, éloignée des grands centres urbains, où les services publics se raréfient, où le chômage gagne du terrain (moins toutefois que sur d'autres territoires comparables), et où une partie de la population se sent déclassée.
Très douée pour esquisser des portraits criants de vérité, fréquemment affublés de surnoms signifiants, la journaliste du "Monde" dresse une galerie d'anti-héros souvent attachants, parfois inquiétants, dont la plupart vont connaître un destin tragique...
Bref, un livre plutôt court mais passionnant, qui se dévore en quelques heures.