« Je vais te confier quelque chose d’important. Les adultes non plus,
ils ressemblent pas à des adultes, à l’intérieur. Vu de dehors, ils
sont grands, ils se fichent de tout et ils savent toujours ce qu’ils
font. Au-dehors, ils ressemblent à ce qu’ils ont toujours été. A ce
qu’ils étaient lorsqu’ils avaient ton âge. La vérité, c’est que les
adultes existent pas. Y en a pas un seul, dans tout le monde entier. »
Il était un fois, quelque part en Angleterre…
A la quête de son âme d’enfant, le narrateur revient dans la région de sa jeunesse, s’immergeant dans ce passé qui lui colle aux semelles comme de la glaise. Un temps et un lieu où l’on faisait d’une simple mare un océan infini et où le voisinage avait connaissance de secrets remontant à un âge antédiluvien, avant la Création même de l’univers. Une époque où les mauvais rêves pouvaient faire irruption dans le quotidien pour le transformer en cauchemar et où l’on pouvait servir de porte à des monstres venus des limbes pour plier la réalité à leurs noirs desseins. Un âge d’or, pas encore déserté par la magie et dépourvu de duplicité. Mais la mémoire est chose fuyante, malléable et fragile. Elle alimente la nostalgie ne retenant du passé que les meilleures choses, et parfois les pires…
On devrait surnommer le roman de Neil Gaiman, l’Emmerdement au bout du chemin. La faute à une intrigue mollassonne, dépourvue de véritable tension dramatique. La faute aussi à un imaginaire à l’étiage, dont les motifs semblent tous empruntés à Coraline. En fait, L’Océan au bout du chemin ne transgresse pas grand chose, du moins pas grand chose que l’on ait déjà lu chez l’auteur anglais. L’émerveillement cède le pas au déjà-vu et l’horreur à un ennui gêné, celui de l’ami obligé de supporter les mêmes blagues éculées pendant un repas de fête.
D’aucuns pourraient juger mon avis amer, voire excessif. Il est à la mesure de la déception éprouvée en lisant ce conte que je me suis forcé de terminer, certes en sautant un tantinet les pages. Avec L’Océan au bout du chemin, Neil fait du Gaiman, sans véritable éclat, pour ainsi dire en pilotage automatique. Il applique sa sempiternelle recette, une pincée de nostalgie ici, des réminiscences de l’enfance là, le tout saupoudré de cet humour décalé propre aux Anglais. Il compose un conte certes sympathique, se voulant accessoirement effrayant, sans parvenir à aucun moment à susciter un embryon d’émotion. J’ai pourtant essayé de creuser la trame du récit pour y déceler la pépite, la trouvaille langagière apte à stimuler mon intérêt. Je n’ai trouvé que du sable, celui m’irritant la pupille et me poussant dans les bras de Morphée.
Bref, après avoir longtemps abandonné l’univers du romancier, Coraline avait su trouver les mots et l’atmosphère pour réveiller mon enthousiasme. L’Océan au bout du chemin risque de l’assoupir à nouveau. Définitivement ? Qui sait, d’autant plus qu’un nouveau roman doit paraître prochainement dans nos contrées…
Source