Avertissement : Cette critique contient des spoilers .
C'est un livre brillant qui tourne autour d'un seul thème, d'une seule histoire et d'une seule problématique : avorter ou mettre au monde un orphelin.
Le Dr Larch, le héros merveilleux du livre mais trop vite éclipsé par son fils putatif, divise le travail entre deux : il met au monde et élève des orphelins(l'oeuvre de dieu) mais pratique des avortements pour respecter le choix des femmes à disposer de leur corps( la part du diable) et parce qu'il sait que le monde est complexe, et que parfois Dieu se confond avec le Diable.
Toute l'histoire du roman se tient sur cette trame : Dieu prend le visage du Diable : un jeune couple dysfonctionnel : la mature Candy et le turbulent Wally conçoivent dès la première nuit d'amour et vont donc à l'orphelinat de Larch pour ne pas mettre au monde. Ils y rencontrent le digne et courageux Homer Wells, orphelin angélique, avec qui ils deviennent meilleurs amis du monde. Pourtant, un espèce de démon font tomber amoureux Homer et Candy, dans le dos de Wally, et bien qu'ils résistent, Wally part en guerre et disparaît.
Homer et Candy le croyant mort s'abandonnent à la passion, conçoivent et mettent au monde, oeuvre divine, et là se clôt le texte : le diable s'en mêle magiquement, Wally revient émasculé(ironiquement), et l'enfant naturel, Ange, est reconnu comme orphelin pour préserver le héros handicapé.
Ange tombe amoureux d'une femme noire maltraitée et violée par son père tombée enceinte, et Homer ce démon qui déteste le diable, accepte de donner la vie mais refuse d'avorter s'enjoint à Larch , mais celui-ci est mort. Il devra donc pratiquer la basse oeuvre, ironiquement, encore.
Le roman est ainsi tout aussi flaubertien que Dickensien puisque tout est prétexte à l'ironie d'un sort cruel tissé par l'enfant de Dieu et du Diable(à l'image de l'être humain?) : l'orphelin qui déteste les avortements et qui veut échapper à sa condition est contraint de mentir à son propre enfant à qui il fait subir le même sort affreux de ne pas connaître ses origines à cause d'un trio amoureux et d'un amour impossible qu'il n'a pu surmonter.
Et pour s'être conformé à la morale bourgeoise , il en paiera le prix, le prix du Diable : il pratiquera son oeuvre sur l'amoureuse opportuniste de son fils.
Les sacrifices d'amour , le mensonge, l'hypocrisie dont les extrêmes renvoient la perpétration de la violence sexuelle(viol, inceste, agression )n'est-ce pas la véritable oeuvre du Diable?
Surmonter les conventions et les normes sociales pour vivre le bonheur conjugal mérité (même au prix de faire souffrir un être cher) ou , plus terrible encore, échapper à une condition sociale et familiale violente et insoutenable, n'est-ce pas la véritable part de Dieu?