Voilà la dernière des aventures de Ged-Epervier, le mage gaffeur et martyr, un poil mystique. Avec son retour couronné de succès des Tombeaux d'Atuan, notre illusionniste défiguré et dépressif a obtenu son bâton de Maréchal et il est reconnu comme le maître des mages et sorciers de Terremer.
Hélas pour sa fin de carrière, un fils à papa (fils de roi, quand même !) avec à peine quelques poils au menton débarque pour lui annoncer que la magie ne marche plus chez lui. Quelque chose cloche donc dans l'archipel et Ged (secondé par Arren, le freluquet princier) se met en quête de la force qui siphonne partout l'énergie magique à bord de ce demi-personnage qu'est le petit bateau "VoitLoin", seul "Optimist" dans cette équipée de pessimistes.
Car ce grand voyage entre les îles devient un peu trop souvent "La croisière s'emmerde". Ged se montre trop vieux pour l'aventure et économise ses mots et sa magie comme s'il garnissait son compte en banque pour compléter une maigre retraite. Son serviteur couronné, pas vraiment persuadé qu'il a fait le bon choix de le suivre, se perd entre ses doutes, ses atermoiements nostalgiques et les quelques scènes d'action pas très épiques où il s'aperçoit qu'il peut parfois servir à quelque chose. Bref, un vrai stage d'élève du Second degré.
Après un premier tome erratique des aventures d'un Ged à peine plus paumé que nous face à sa quête, Ursula Le Guin nous avait agréablement surpris avec un personnage féminin tragique à la psychologie attachante dans Les Tombeaux d'Atuan. Mais elle nous mène à nouveau en bateau dans cette épopée traînante à la fin prévisible où, malgré sa maîtrise stylistique, elle se montre peut motivée par son récit et ses personnages, comme elle l'avouera dans la postface tardive du recueil intégral des oeuvres du cycle de Terremer. Ici, la fin est d'ailleurs bâclée et nunuche, rappelant les "happy end" vite expédiées de ces histoires merveilleuses que l'on conte aux enfants pour les aider à s'endormir.
Comme avec l'alternance nocturne et diurne, il reste à espérer que Tehanu, 4ème opus sorti dix-huit ans plus tard, réenchante Terremer de cet aspect lucide et brillant dont Ursula Le Guin a tant gâté son public à travers son oeuvre.