Force intergalactique bienveillante, ou empire expansionniste pernicieux ? Bien malin celui qui peut répondre à cette question !
La Culture est une société hyper-avancée engagée dans une économie de l'abondance. N'ayant plus de buts internes, plus d'améliorations à apporter à la vie de ses propres citoyens, la Culture se tourne vers les autres systèmes connus. Special Circumstances, l'organe chargé d'influer sur les guerres interplanétaires d'autres civilisations, envoie des agents dans les différentes factions qui s'affrontent. Grâce à la surpuissance de calcul de ses intelligences artificielles, SC utilise ces agents comme des pions sur un échiquier géant, sachant où les diriger pour influencer les conflits en cours dans la direction la plus positive pour la survie et l'évolution des espèces engagées. Sorte de déité souhaitant le meilleur pour l'univers entier, agissant en totale ingérence, la Culture a des principes particuliers, auxquels il faut adhérer si l'on souhaite exister dans son organisation.
Cheradenine Zakalwe est un agent de SC. Homme de guerre éprouvé, ayant servi comme général pour des dizaines d'armées, dans des systèmes stellaires aux 4 coins de la galaxie, Zakalwe est en retraite. Comme plusieurs fois auparavant, il a fait faux bon à la Culture, et cherche à passer la fin de sa vie en isolement, loin des horreurs de son passé. Mais Sma, stratège de la Culture en charge du déploiement des agents, part pour le rechercher pour mener une dernière mission...
Le monde de la Culture est passionnant, et surtout permet à Banks de développer des thèmes intéressants : réflexions sur le bien et le mal, l'interventionnisme, la caractère moral des individus... On est dans une oeuvre de science fiction qui distille habilement des messages sans tomber dans le poncif, dans le jugement.
La structure du roman est alambiquée : on alterne les chapitres détaillant l'intrigue actuelle, dans le présent, avec des chapitres composés de flash-backs, à des époques différentes de la vie de Zakalwe. On découvre progressivement les événements, certains très routiniers et d'autres fondateurs, qui l'ont formé. Cette structure narrative brouille les pistes, inclut de la complexité : faire sens de tous ces flashbacks n'est pas une mince affaire. Il vaut le coup tout de même de faire cet effort supplémentaire pour replacer les événements par rapport à ceux déjà exposés, refaire la frise chronologique de Zakalwe, afin de découvrir à fond le personnage.
Paradoxalement, la richesse du passé du protagoniste met en relief la pauvreté de son présent. L'intrigue générale du roman est au mieux limitée, au pire assommante. L'impression que le présent du personnage n'est qu'une excuse pour exposer son passé. Pourquoi ne pas raconter cette histoire là ?
On comprend mieux après le twist final pourquoi la structure est telle qu'elle est. Mais ce twist est encore plus déroutant : les motivations du protagoniste ne sont pas claires. Pourquoi est-il parti sur le chemin de la rédemption ? Quel événement a fait qu'il a oublié toutes ces horreurs commises, et a voulu se racheter en oeuvrant for the greater good ? On peut imaginer qu'un regret intense l'a submergé, qu'il a été frappé de la folie de son geste initial une fois la folie du moment passé, mais cela est conflictuel avec certaines de ses décisions plus tard dans le roman...
Au final, Banks a de bonnes idées, mais il manque une glue à ce roman, un je ne sais quoi qui ferait que la sauce prenne. Ici, on trouve beaucoup plus une succession de chapitres à la qualité inégale qu'une oeuvre unique.