Ceux qui voyagent, protégés par des vers de Hâfez
Si le voyage finit par transformer le voyageur, que dire du lecteur de récit de voyage? Que dire de celui qui découvre en un seul témoignage la Suisse des années 50, les Balkans, Istambul, puis le long hivernage en Azerbaïdjan? La douceur de Téhéran avant la guerre ou les folles virées vers le Pakistan?
Sera-t-il transformé par les rêves de ceux qui voyagent protégés par des vers de Hâfez peints sur les portières de la Fiat, par les parties de campagnes en Bulgarie, par les cols de montagnes à monter à pieds, par les yeux d'un rapace confondus avec les phares d'un camion ?
Ce livre est un enchantement pour tous ceux qui ne voient en leur ville et leur pays qu'une salle de transit plus longue que la moyenne des aéroports internationnaux. Rimbaud parlait des enfants qui voyagent en feuilletant les atlas et les portulants, mais que dire de ce type de support?
Plus qu'une simple rêverie, ce livre provoque une adhésion instannée à l'esprit d'aventure et de découverte. Il est un antidote pour ceux que Sur la Route de Kerouac a révulsé par son éloge de l'égotrip (même si je n'en fais pas partie) car même si le but de ce voyage est évidemment un enrichissement personnel, celui-ci ne se fait qu'à travers la connaissance de l'autre...
Je me dis parfois qu'un tel voyage ne serait plus possible dans le monde actuel... mais ce serait avoir mal compris l'essence de ce récit que de penser ainsi : Bouvier démontre à chaque page que c'est justement au-delà des idées préconçues que l'on découvre notre raison intime de voyager
Pour ma critique plus développée : http://blog-sandwich.com/2011/12/21/livre-lusage-du-monde-nicolas-bouvier-illustrations-thierry-vernet-1963/