1953, deux jeunes types partent en voiture dans un road trip ( est-ce que le terme existait déjà? ) assez beatnique, de la Yougoslavie ( oui, elle existait encore ) à l'Afghanistan, en passant par la Turquie et l'Iran.
Ils partent avec très peu d'argent, juste de quoi survivre quelque temps en Yougoslavie, et ensuite il faut gagner sur place de quoi manger, et entretenir la voiture aux nombreuses pannes ( admirez l'épithète homérique ) Pour les bagnolophiles :Une fiat Topolino.
Comme ils sont respectivement dessinateur et écrivain, l'argent n'est pas gagné d'avance !
Bon, ce sont deux mecs, européens et intellos.
Pas exempts d'une partie des préjugés de l'époque ( pas tout à fait les mêmes que les préjugés actuels, ce qui offre une sorte de voyage dans le temps - chronotrip ? - des préjugés, c'est intéressant ), mais en même temps ils ont une sorte d'acceptation fataliste des choses qu'ils traversent, comme une suspension partielle du jugement ( oeufs pochés ? pardon, blague pour hellénistes ), intéressante elle aussi. Sans quoi ça deviendrait insupportable, comme certains récits de voyage truffés de clichés.
Et un petit humour sec très rafraîchissant, comme un peu de vent froid dans un lieu surchauffé, qui donne un livre très agréable et intéressant ( les curieux dessins de Vernet, assez arides, faits sur place, sertissent le récit sans le paraphraser, comme quelques cailloux noirs et tordus dans le sable d'un jardin zen, mais pas du tout comme ça en fait ).
Surtout, on y rencontre des yougoslaves pas encore ethniquement déchirés, des turcs d'avant Erdogan, des iraniens d'avant la révolution islamique... et des arméniens, des diplomates décalés, quelques voyageurs, et une faune de déracinés, plutôt raréfiée, le livre ne croule pas sous les portraits, il laisse de la place pour le vide aussi, la route, et l'attente, souvent, longtemps.
Et, ! ATTENTION MEGA-SPOiL !les deux types ne se font pas égorger sur un chemin, ils rentrent chez eux à la fin ( qui a dit pleins d'usage et raison ? ) pour mener leurs petites vies tranquilles d'écrivain et de dessinateur.
Mais non, en fait Bouvier continuera à bourlinguer toute sa vie, tandis que Vernet, lui, se posera pour dessiner et peindre à partir d'un point fixe. Ce qui est un autre voyage.
Mais lisez le livre, c'est mieux que cette critique.