John Stuart Mill, c'est un peu Droopy au pays des philosophes, nous regardant de son air désespéré pour nous lâcher un trainant "you know what ? I'm happy".
Brave petit soldat, il se donne pour mission de dépassionner le débat qui fait rage depuis que son parrain, Jeremy Bentham, a lancé le terme "utilitarisme" pour mettre en avant la recherche du plaisir comme but ultime de la vie humaine. C'est qu'à chaque fois, depuis Épicure en son jardin, c'est la même chose : l'eudémonisme est forcément détourné et taxé d'horrible libertinage déréglé et libidineux.

Pour commencer, Mill déplace le problème en parlant de bonheur plutôt que de plaisir : le bien est agréable, le mal est source de souffrance, alors autant choisir le bien. Deuxième précision : l'utilité n'est pas à entendre en son sens bassement matériel (je serai gentil avec toi car tu me donnes des cookies, et moi j'aime bien les cookies), mais à un niveau supérieur : est utile tout ce qui permet d'être heureux et/ou d'éviter la souffrance, comme par exemple la vertu, le savoir, l'art, le partage et la bienveillance. "Un cran au-dessus ma petite fille", comme disait ma grande-tante Burdin.

Seulement, les utilitaristes sont comme les chats, échaudés ils craignent jusqu'à l'eau froide. Et Mill doit encore trembler des extrémités auxquelles ce principe, détourné, a pu conduire Stirner à commettre "L'unique et sa propriété". Loin de prôner un égoïsme à tout crin, qui finirait, n'en doutons pas, en baston générale, le très mesuré John Stuart préfère préciser pour qu'il n'y ait pas de malentendu : le bonheur d'un individu ne saurait être atteint au détriment de la collectivité dans laquelle il s'inscrit obligatoirement. Et là les emmerdes commencent, car il devient foutrement difficile de savoir comment juger de ce qui est bien, pour qui, comment.

Mais Mill ne se décourage pas, et essaye de voir tous les cas de figure possibles, notamment en scrutant la question complexe des rapports entre morale et justice. La caractéristique première de Mill, d'ailleurs, c'est son honnêteté intellectuelle. Aucun coup de Trafalgar façon Descartes, la mauvaise foi connait pas. Il dit ce qu'il croit et croit ce qu'il dit. Et puis il a une incroyable confiance dans le genre humain, c'en devient touchant. Un peu comme ces grands-pères qui essayent de vous convaincre que vous allez être malades si vous mangez trop de confiture, et puis après laissent le pot à votre portée. Car la théorie utilitariste est extrêmement convaincante, mais à une seule condition : ne pas la mettre entre les mains des Hommes. Staline, Mao et tous les pontes de la CIA doivent encore en rire sous cape !

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le 14 mars 2011

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Chaiev

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Critique de L'Utilitarisme par TitouanJUL

Tu te la pètes trop Mill vraiment mais tais toi tu sais pas tenir un argument t'es insupportable arrête d'écrire des livres.

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