Après avoir lu quelques avis - pas tous, il y en a trop, plus de 150 - je vais tenter de développer un point de vu que je n’ai pas perçu - ou qu’en fligrane dans la dizaine de critiques consultées - et qui justifie selon moi une note de 10.
Les prétendus « lettrés » ou « philosophes » qui, avant même d’avoir commencé à y penser, se trouvent éreintés par l’existence même du Livre devraient arrêter d’urgence de s’appesantir sur sa charge symbolique mais plutôt l’aborder comme un objet philosophique plein et entier (ou comme un objet littéraire, selon l’usage qu’on souhaite en faire). Bref, prendre de la hauteur.
Si cet objet existe, il existe au minimum comme un des grands textes fondateurs de la littérature occidentale, et ce indépendamment des croyances qui y sont attachées.
Il est si riche que les plus grands depuis le Moyen Âge s’en sont inspirés, ou en ont été irrigués jusqu’à l’os, souvent en tant que chrétiens mais pas seulement, pour écrire les plus beaux textes de la langue française dont nous jouissons aujourd’hui.
En vrac, pour la littérature, et absolument non exhaustif : Rabelais, Racine (Ether, Athalie), Bossuet, Fenelon, Diderot, Voltaire (Candide, Traité sur la Tolérance) et Sade connaissaient la Bible par coeur, Baudelaire, Chateaubriand, Flaubert, Hugo, Lamartine, Musset, Nerval, Péguy, Rimbaud, Verlaine, Zola (Ventre de Paris « Caïn était un gras et Abel un Maigre »), Apollinaire, Camus (agnostique qui a recours au Livre dans « La chute » par exemple), Claudel (a passé les 20 dernières années de sa vie à l’étude du Livre), Gide (a reçu une éducation calviniste marquée par la lecture individuelle de la Bible), Prévert, Proust, Yourcenar etc etc pour ne citer que les Français.
Intégrons maintenant les auteurs étrangers (Dostoeïvski, Dante..), intégrons aussi les philosophes : difficile d’appréhender Descartes, Pascal ou Spinoza, pour ne citer que les plus évidents, sans un minimum de fond biblique. Parlons aussi des peintres, promenons-nous au Louvre. Et abordons la musique..
L’objet philosophique « Bible » a une descendance artistique et intellectuelle absolument considérable.
Qu’il soit censuré au collège français, moutonnièrement écarté par un pédagogisme décérébré, et qu’ailleurs un tartufe embaumement lui soit réservé, devrait inquiéter plus que réjouir. Délires et confusions entre usages spirituels, théologiques, littéraires, philosophiques et historiques.
Pour conclure, une petite moisson d’expressions bibliques toujours en usage aujourd'hui : porter sa croix, bouc émissaire, gagner son pain à la sueur de son front, une brebis égarée, monter une cabale contre quelqu’un, boire le calice jusqu’à la lie, un capharnaüm, rendre à César ce qui appartient à César, être transporté au septième ciel, un colosse aux pieds d’argile, crier sur les toits, la traversée du désert, qui se sert de l’épée périra par l’épée, séparer le bon grain de l’ivraie, des jérémiades, s’en laver les mains, pleurer comme une madeleine, l’opération du saint esprit, la paille et la poutre, jeter la pierre à quelqu’un, nul n’est prophète en son pays, sonder les reins et les cœurs, un jugement de Salomon, le saint des sains, le sel de la terre, semer la zizanie, rien de nouveau sous le soleil, il y a un temps pour tout…
Belle généalogie pour ce bel objet.
Autant dire qu’un tel influenceur ne peut que recevoir un 10 tant il a inspiré et inspire toujours d'immenses artistes, façonné notre langue et nos arts.
Et de rejoindre dans le panthéon occidental l'Iliade, l'Odyssée et l'Énéide.